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LOPPSI 2 ou le fourre-tout sécuritaire

Publié le 22 décembre 2010 par Chezfab

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Publié le 20 décembre sur le site REBELLYON
Orwell nous l’a fait cauchemarder, l’UMP l’a fait... Présentation du menu de cette nouvelle loi, indigestion garantie. En discussion à partir du 14 décembre, cette réforme est en passe d’être acceptée dans l’indifférence quasi-générale.
On a beau­coup entendu parler c’est vrai de son fameux arti­cle 32 TER A, direc­te­ment diri­gés contre les Rroms, squat­teurs, ou sim­ple­ment mal-logés de toute sorte.
Cet arti­cle pré­voit l’expul­sion en 48 h sur déci­sion du préfet de police uni­que­ment (plus besoin de l’accord d’un juge d’ins­truc­tion), une des­truc­tion de l’habi­tat s’il n’est pas mobile, et une pos­si­ble saisie des biens...
C’est très bien détaillé sur le site du Droit Au Logement, donc je vous épargne la para­phrase.
Mais bon ça, c’est juste l’arti­cle 32 TER A. LOPPSI 1 et 2 étant plus un fourre-tout de mesu­res sécu­ri­tai­res et liber­ti­ci­des digne d’une dic­ta­ture qu’une simple décla­ra­tion de guerre au Rroms et à l’habi­tat choisi en géné­ral.
LOPPSI, c’est 2,5 mil­liards d’euros de dépen­ses (voir le budget détaillé) dont 70% dépen­sés en équipements poli­ciers.
Au menu, on trouve :
- Lutte contre la cyber-cri­mi­na­lité.
Et pour ce faire, auto­ri­sa­tion de l’emploi de mou­chards (type « che­vaux de Troie ») par les forces poli­ciè­res dans le cadre d’une enquête. Assorti évidemment de la créa­tion d’un fichier infor­ma­ti­que, Périclès (qui est-ce qui choi­sit ces noms au fait, Edwige, Périclès, je me suis tou­jours demandé...), qui conser­vera des don­nées per­son­nel­les (adresse, compte ban­caire, j’en passe...) sur tout citoyen sur­veillé dans le cadre d’enquê­tes per­mi­ses entre autres par Hadopi. On ne parle donc pas seu­le­ment de pédo­phi­les ici, ma propre mère risque peut-être d’y figu­rer...
- Elargissement du fichage poli­cier.
Les ser­vi­ces de police et de gen­dar­me­rie pour­ront désor­mais croi­ser leurs fichiers et y faire des recou­pe­ments. Cela com­prend poten­tiel­le­ment le Fnaeg (les emprein­tes géné­ti­ques), le Fijais (les condam­nés pour crimes sexuels), Périclès, voire même les délits mineurs, étant donné qu’il n’y a pas vrai­ment de pré­ci­sion à ce sujet.
En fait dans le cadre d’une enquête, on pourra tout sim­ple­ment uti­li­ser les infor­ma­tions de n’importe quel fichier, même s’il n’est pas lié au délit en ques­tion. Le pre­mier pas vers un fichier poli­cier unique, dans lequel coha­bi­te­raient délin­quants sexuels, autant que cam­brio­leurs, dea­lers de shit, ou télé­char­geurs de films...
- Allongement des peines de cer­tains délits et visio­confé­rence dans les tri­bu­naux.
Un effet d’annonce suite à un fait divers glau­que concer­nant un cam­brio­lage chez des per­son­nes âgées. La durée de la peine pour ce délit sera portée à 7 ans fermes (si si) si il est effec­tué sans vio­lence, et à 10 ans dans le cas contraire. Il est prévu également un dur­cis­se­ment des peines pour les outra­ges ou vio­len­ces à l’égard des forces de l’ordre.
Sous pré­texte de désen­gor­ger les tri­bu­naux, il sera mis en place un sys­tème de visio­confé­rence. A savoir le détenu en prison, devi­sant de sa libé­ra­tion sur parole avec le tri­bu­nal, par l’inter­mé­diaire d’une télé. Le Syndicat de la Magistrature s’offus­que, et parle déjà de « télé-jus­tice ». Mais atten­tion, le détenu pourra tou­jours « parler et défen­dre sa cause, la pro­cé­dure reste inchan­gée » (je cite). C’est évident que le sys­tème serait plus effi­cace et expé­di­tif si le détenu était dépourvu de micro, seu­le­ment bon à enten­dre sa sen­tence, mais bon, Rome ne s’est pas faite en un jour...
- Videosurveillance.
Rebaptisée pour l’occa­sion « video­pro­tec­tion », un nou­veau terme très Novlangue Orwellienne, elle est un des fers de lance de la réforme, avec le projet de tri­pler le nombre de camé­ras sur le ter­ri­toire pour arri­ver à 60000 envi­ron (mais au fait, qui va bien pou­voir regar­der tout ça ?). Un budget de 20 mil­lions d’euros sera alloué pour per­met­tre au Maires d’équiper leur ville, mais bien entendu les coûts de fonc­tion­ne­ment à long terme, qui sont consi­dé­ra­bles, seront ensuite des pro­blè­mes locaux.
En clair, alors que l’inef­fi­ca­cité de la video­sur­veillance (pardon... pro­tec­tion) en matière de pré­ven­tion de délit est poin­tée du doigt depuis plu­sieurs années, c’est un énorme coup de pouce qu’on fait là au lobby de la sur­veillance. Imaginez des com­mer­ciaux de célè­bres mar­ques de fabri­cants de camé­ras défer­ler dans toutes les mai­ries de France, qui n’ont pas d’autre choix, quel­que soit l’opi­nion du Maire, que de dépen­ser cet argent. Ces 20 mil­lions sont uni­que­ment un inu­tile cadeau au privé.
En plus ces came­ras sont toutes visi­bles sur inter­net et la plu­part sont acces­si­ble sans aucun mot de passe. On peut les trou­ver dans Google, c’est expli­qué ici. On trouve de tout, des camé­ras d’exté­rieur, d’hôtels, même de loge­ments privés, et on peut les regar­der en temps réel... C’est censé dis­sua­der les cam­brio­leurs, moi je trouve que ça faci­lite plutôt les repé­ra­ges, mais bon, je dis ça je dis rien.
- Amélioration des outils poli­ciers.
Comprendre une débau­che d’équipements moder­nes, sou­vent inu­ti­les, et tou­jours hors de prix digne d’une paro­die de Robocop. Il n’y aura pas d’aug­men­ta­tion d’effec­tif, ce chif­fre ser­vira uni­que­ment à trans­for­mer nos sim­ples poli­ciers en super­flics du futur mécham­ment bien équipés ! Eric Ciotti, rap­por­teur de la Loppsi 2 à l’Assemblée natio­nale, se féli­ci­tait ainsi du fait que « 70% des cré­dits sup­plé­men­tai­res déga­gés grâce à la Loppsi seront uti­li­sés pour finan­cer des dépen­ses de fonc­tion­ne­ment ou d’équipement », soit 1,773 des 2,539 mil­liards d’euros « des­ti­nés à finan­cer spé­ci­fi­que­ment les prio­ri­tés de la Loppsi 2 » (d’après Rue 89).
Au pro­gramme, il est ainsi ques­tion d’ins­tal­ler des « camé­ras embar­quées » dans les véhi­cu­les (6 mil­lions d’euros), et de les connec­ter au dis­po­si­tif expé­ri­men­tal de Lapi (pour « lec­ture auto­ma­ti­sée des pla­ques d’imma­tri­cu­la­tion »), dont l’uti­li­sa­tion sera « géné­ra­li­sée » (22 mil­lions d’euros), mais également de déployer des « sys­tè­mes por­ta­bles de vidéo­sur­veillance » ainsi que des « dis­po­si­tifs de sur­veillance de nou­velle géné­ra­tion pour les héli­co­ptè­res » (22 mil­lions d’euros), soit un total de 72 mil­lions d’euros.
On conti­nue avec le « procès verbal électronique », la « pré­plainte en ligne », les « bornes de visio­pho­nie » à l’entrée des bri­ga­des de gen­dar­me­rie (8 mil­lions d’euros), les « lec­teurs bio­mé­tri­ques mul­ti­fonc­tions pour contrô­ler les nou­veaux titres sécu­ri­sés électroniques » (j’avoue ne pas avoir pu trou­ver ce que ça vou­lait dire), et la « carte pro­fes­sion­nelle à puce mul­ti­fonc­tions » pour les poli­ciers (9 mil­lions d’euros)…
On enchaîne avec l’ins­tal­la­tion de ter­mi­naux infor­ma­ti­ques embar­qués « afin de per­met­tre la consul­ta­tion des fichiers à dis­tance » dans 6500 véhi­cu­les et 500 moto­cy­clet­tes de la gen­dar­me­rie (32 mil­lions d’euros), et l’inter­connexion (pour 17 mil­lions d’euros) du sys­tème d’infor­ma­tion de la jus­tice et du fichier Ariane (sys­tème d’appli­ca­tion de rap­pro­che­ment, d’iden­ti­fi­ca­tion et d’ana­lyse pour les enquê­teurs), créé pour fusionné les très cri­ti­qués fichiers Stic de la police (28 mil­lions de vic­ti­mes, 5,5 mil­lions de « sus­pects ») et Judex de la gen­dar­me­rie (2,15 mil­lions de « sus­pects »).
On ne s’arrête pas en si bon chemin, il en faut pour la police scien­ti­fi­que aussi. On leur com­mande donc des « kits sali­vai­res » de dépis­tage des stu­pé­fiants, des « éthylotests électroniques », des sys­tè­mes Imsi cat­cher (faus­ses bornes GSM qui per­met­tent d’écouter et de loca­li­ser en temps réel les télé­pho­nes por­ta­bles), des « loupes rétro-éclairantes », et des « micro­sco­pes sté­réo­sco­pi­ques ». Bon bien sûr c’est pas gra­tuit tout ça (110 mil­lions d’euros).
On n’a pas oublié les défen­seurs de l’ordre public, il pour­ront désor­mais jouer avec leurs nou­vel­les « armes légè­res de défense » (6 mil­lions d’euros), leurs lan­ceurs de 40 mm et leurs pis­to­lets à impul­sion électrique (2 mil­lions d’euros), et leurs « lan­ceurs d’eau » (3 mil­lions d’euros), leurs ciné­mo­mè­tres Laser de nou­velle géné­ra­tion « per­met­tant d’effec­tuer des mesu­res de vitesse sous de mau­vai­ses condi­tions météo­ro­lo­gi­ques » (5 mil­lions d’euros), leurs lunet­tes de pro­tec­tion, gilets tac­ti­ques et pare-balles (24 mil­lions d’euros), et leurs jumel­les de vision noc­turne « pour opti­mi­ser les moyens aériens » (1 mil­lion d’euros)...
Et on finit avec la sécu­rité civile, avec 131 mil­lions d’euros, afin de contri­buer au déve­lop­pe­ment des capa­ci­tés de réponse à la menace nucléaire, radio­lo­gi­que, bio­lo­gi­que et chi­mi­que (NRBC), du sys­tème de pré­vi­sion des tsu­na­mis et de l’acqui­si­tion d’héli­co­ptè­res outre-mer.
Tous les chif­fres sont tirés de Rue 89
Bref, vous avez com­pris, c’est Noël !
Les défen­seurs de la réforme par­lent de « saut tech­no­lo­gi­que »... On ne peut qu’être d’accord.
- Changement de statut du préfet et des poli­ces muni­ci­pa­les.
Les poli­ciers muni­ci­paux seront désor­mais auto­ri­sés, « dans cer­tai­nes cir­cons­tan­ces » selon le Monde (pour­quoi pas la Fête de la musi­que ou le Nouvel An), à pro­cé­der à des fouilles, des contrô­les d’iden­tité et des dépis­ta­ges d’alcoo­lé­mie. Évidemment, cela repré­sente plus de pou­voir et de res­pon­sa­bi­lité, sans qu’aucune for­ma­tion ne soit prévue pour accom­pa­gner cette déci­sion.
Le préfet de police aura également plus de pou­voir car il pourra pren­dre cer­tai­nes déci­sions (expul­sions suite à l’arti­cle 32, ins­tau­ra­tion d’un couvre-feu...) sans deman­der l’accord d’un juge d’ins­truc­tion, jusque-là seul (et faible) rem­part face aux déri­ves du pou­voir poli­cier...
Cette « auto­no­mi­sa­tion » de la police par rap­port au pou­voir judi­ciaire est peut-être le point le plus dan­ge­reux à long terme de cette réforme, car il remet en cause le statut du juge, jusque-là seul à même d’auto­ri­ser une expul­sion, une per­qui­si­tion, ou une écoute télé­pho­ni­que.
On est en ter­rain glis­sant, et il n’y a qu’un pas à fran­chir pour évincer défi­ni­ti­ve­ment les juges des pro­cé­du­res d’enquê­tes, et lais­ser le pou­voir poli­cier opérer sans aucune entrave... C’est réel­le­ment une volonté de lais­ser, à terme, l’ensem­ble préfet/pro­cu­reur/poli­ciers seul déci­deur des moyens à mettre en oeuvre dans une enquête, sans compte à rendre à per­sonne...
La défi­ni­tion même de l’État poli­cier.
Voilà donc le pro­gramme et j’en passe bien sûr tant la liste est longue et obs­cure à la fois...
Conclusion ? Un fourre-tout tota­li­taire de 2,5 mil­liards d’euros (plus le coût à long terme de la video­sur­veillance qui peut dif­fi­ci­le­ment être cal­culé) qui passe comme une lettre à la poste après la fati­gante mobi­li­sa­tion sur la réforme des retrai­tes (qui soit dit en pas­sant n’économisera pas assez d’argent pour finan­cer le « caprice LOPPSI ») et qui est peut-être la réforme la plus dan­ge­reuse et la plus liber­ti­cide qui soit passée sous le gou­ver­ne­ment Sarkozy.
Parce-que tout le pro­blème est là.
Même de la part de ce gou­ver­ne­ment... C’est exces­sif.
Ever Never
P.-S.
- Il y a un forum consacré à la lutte anti-LOPPSI ici, dans lequel on essaie d’informer des actions par régions.
- un site consacré à Loppsi 1 et 2 compile des articles de fond : Loppsi.fr.

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