Deuxième texte proposé pour le challenge organisé par Lhisbei : La porte des mondes, de Robert Silverberg.
Issu d'une famille pauvre comme il y en a tant dans cette Angleterre de 1963, tout juste sortie de la domination turque, Dan Beauchamp a de l'ambition à revendre. Il embarque pour les Hautes-Hespérides, ce continent par delà l'océan qui est dominé par le Mexique, le pays le plus puissant du Monde. A bord, il fait des rencontres qui scelleront son destin...
Point de divergence : Et si la Peste Noire de 1348 n'avait pas décimé un quart de la population européenne (ce qui est déjà pas mal), mais bien les trois quarts, laissant un continent exsangue, sans défenses. Eh bien les Turcs, au lieu de se faire arrêter aux environs de Vienne, n'auraient pas rencontré la moindre résistance et leur progression les aurait menés jusqu'en Angleterre. Les pays européens n'auraient pas connu leur période d'expansion colonisatrice de la période Moderne, et des continents comme les Amériques ou l'Afrique auraient connu leur propre développement, sans le pillage que l'on a connu dans notre propre monde.
C'est ça que ce court roman (à peine 190 pages !) raconte. Même si ce n'est pas le chef d'oeuvre de Silverberg (je l'espère tout du moins), il se lit avec aisance déconcertante. Par contre, le trop grand nombre de facilités scénaristiques font qu'il ne s'agit pas là d'un très bon roman. C'est plus un conte moral qui m'a beaucoup fait
pensé à Candide de Voltaire, où le héros fait un grand nombre de rencontres qui l'aideront (ou pas) dans sa quête philosophique et personnelle. Ici, même si le héros est nettement moins naïf que le personnage de Voltaire, c'est tout de même un prétexte pour Silverberg de lui faire faire un beau voyage dans une Amérique réinventée, telle qu'elle aurait pu être si l'Histoire avait été différente.Et c'est pour cette raison principale qu'en tant qu'uchronie, ce livre est vraiment formidable. Il s'agit même d'une réflexion sur ce qu'est l'uchronie en tant que genre. On a même droit à trois pages d'uchronie dans l'uchronie. En effet, les personnages de cette Histoire parallèle se demandent ce qu'il se serait passé si les choses avaient été différentes au niveau du point de divergence, si la Peste Noire (très noire pour le coup) n'avait pas emporté trois quart de la population mondiale, etc. Eh bien, on arriverait à la situation historique telle qu'on la connait réellement, ce qui a tendance à effrayer les protagonistes.
En conclusion, ce livre n'est donc pas très intéressant pour l'histoire qu'il nous narre (les ficelles sont vraiment trop grosses), mais bien pour le jeu uchronique qu'il met en place, pour ses questionnements sur le destin, sur la trame historique. Je vous laisse découvrir cette idée des "portes des mondes" que chaque individu ouvre quand il fait des choix, modifiant ou non le cours de son histoire personnelle et, pourquoi pas, de l'Histoire elle-même.
note :
A.C. de Haenne
A noter que la Porte des Mondes est le nom d'un blog très intéressant, consacré à l'uchronie.