Dans un billet précédent, j'avais égratigné Jacques Sapir, économiste brillant, pour souligner que malgré la virtuosité de ses analyses, il restait bien prudent sur le fond, refusant de rompre avec l'Union européenne et son cortège de règles absurdes.
Trois articles récents tournent autour de cette question (que doit-on concéder à l'adversaire ?), pour un usage interne au débat politique américain.
Paul Krugman, le 2 décembre, étrillait Obama pour avoir gelé les salaires des fonctionnaires (une sorte de politique à la FMI appliquée en interne) alors qu'il s'apprétait à étendre les cadeaux fiscaux faits par Bush aux super-riches ("quelle que soit la situation interne de la Maison Blanche, vu de l'extérieur cela ressemble à un effondrement moral...")
Le 19 décembre, le même se demande pourquoi la crise née de politiques libérales semble renforcer les tenants des politiques libérales ("comment peut-on, après des folies bancaires qui ont mis l'économie à genoux, se trouver avec un Ron Paul qui s'exclame "je pense que nous n'avons pas besoin de réglementation" [...] ?). Il reproche encore à Obama ses concessions aux idées de ses adversaires : "il [Obama] a loué Reagan pour avoir restauré le dynamisme américain (quand avez-vous entendu pour la dernière fois un républicain louer Roosevelt ?)"...
En novembre, c'était Robert Reich (article traduit sur Contre Info) qui définissait les enjeux de la réelection d'Obama en 2012, avec une phrase clé : "Sur le terrain de jeu défini par les républicains, ils sont toujours gagnants."
Pour Krugman comme pour Reich, qui ne sont pas des enragés, à la question "que doit-on concéder à ses advrsaires ?", la réponse est : rien.
Est-ce la fin des politiques de triangulation ? Cette stratégie, à laquelle ont eu recours Blair et Clinton, consiste à prendre ses idées à l'adversaire pour couvrir l'ensemble du champ politique. Si Obama écoutait Reich et Krugman, il s'engagerait dans des politiques plus clairement redistributrices et interventionnistes (les 1% des américains aux revenus les plus élevés touchent 40% du total des revenus !)
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Si, en France, la gauche devait s'inspirer de ce positionnement (en 2017, le temps de réagir), ce pourrait être positif. Ah, non, j'oubliais : le traité de Lisbonne continue de placer la libre concurrence au coeur de toute politique. On attendra d'en sortir.