Les vacances, c'est bien, mais il y a un truc qui me perturbe à chaque fois : cette sensation bizarre de pénétrer dans un monde parallèle, dont les règles me sont inconnues.
Enfin, j'exagère. Je connais bien les règles, maintenant.
Tout d'abord, il y a cette distorsion de la temporalité. Les heures durent des minutes. Enfin, du moins quand je les passe affalé sur le pouf Mugi, enroulé dans une couverture, à m'enfiler / les milles pages et quelques de l'avant-dernier épisode de la Roue du Temps (Brandon Sanderson est plus qu'un honnête remplaçant de Jordan, il sait être drôle) / les nouvelles de Mélanie Fazi / une bonne bédé comme Paul à Québec.
Par contre, si je me fais coincer par ma moman dans un magasin de fringues dégriffées, le temps s'allonge comme une pute fatiguée (non, mais en fait, c'est pour la stats, la métaphore pourrie, hein). On a beau tenter de faire quelque chose de plus exaltant, comme chercher des fringues putassières de mauvais goût et pas chères pour offrir à la copine du frangin, rien à faire, on regarde sa montre après deux heures, et dix minutes seulement se sont écoulées. Ce qui laisse du temps pour aller dans les librairies anarchistes adjacentes pour trouver des cadeaux aux marmots des cousins (un livre sur le caca et un autre sur pourquoi il ne faut pas habiller les animaux. Au passage, c'est rigolo, j'ai les mêmes références en matière de bouquins pour enfants que les vieilles anarchistes lyonnaises.
Sinon, un autre truc que j'ai remarqué, un phénomène étrange qui ne se produit que pendant les vacances avec les parents, je me transforme.
Moi qui suis habituellement la crème de l'humanité, un être doux et bon comme un Werthers Original, lorsque je fréquente mes parents pendant plus d'un quart d'heure, je me transforme en connard. Et je ne m'en rends pas compte uniquement quand mon popa me dit « mais t'es vraiment un connard » (mon popa a parfois un langage assez peu paternel), et m'appelle connard toute la journée, même pour me demander le beurre sans sel (et ce, juste après m'avoir reproché d'être puéril. Bravo, popa).
J'en ai d'ailleurs fait la remarque ce midi, à table, autour d'une bavette-frites. « C'est affreux », j'ai dit, « quand je suis avec vous, je suis un connard ». Ce à quoi tout le monde a acquiescé avec ardeur. L'approbation fut la même quand j'ai dit « je ressemble à papa ». Heureusement, papa n'était pas là. J'espère qu'il ne lira pas ces lignes.
Je ne sais pas à quoi c'est dû. Pourtant, mes parents ne sont pas des connards, eux. Ce sont même des parents tout à fait idéaux. Mis à part la tendance à me traiter de connard de mon papa (même quand je ne le mérite pas) et celles de ma maman à insister pour m'habiller avec des pulls qui ne mettent pas vraiment en valeur ma virilité, ils sont très très bien, et j'en suis très satisfait. Si je pouvais les échanger, je ne le ferais pas.
Bon, au moins, je m'en rends compte, que je suis un connard, qui passe son temps à reprendre les gens, et à faire exactement pile-poil ce que je ne supporte pas que mon papa (par ailleurs idéal, je vous le rappelle, mais bon, il vieillit, hein) fasse (et que je lui fais remarquer dès qu'il le fait, pas forcément en utilisant le terme connard, cependant)
Heureusement, je ne suis pas le seul connard de la famille. On arrive à s'y mettre tous ensemble, des fois, pour dire du mal d'une autre personne de la famille, quand elle est pas là.
Et c'est bien là toute la beauté de la famille, et des vacances.
Youpi.