"Il faut mettre fin à l’économie de casino" : les députés Henri Emmanuelli (PS) et Jean-François Mancel (UMP) tentent de fournir au pouvoir politique des armes, modestes, pour lutter contre la spéculation et éviter "une nouvelle débâcle financière", dans un rapport rendu public mardi. Résultat d’une commission d’enquête parlementaire réclamée par le PS, le rapport suggère "de mettre à profit la présidence française du G20 pour faire progresser l’idée d’une stabilisation des taux de change" pour ne pas "alimenter la spéculation par des politiques monétaires trop laxistes".
Les auditions menées par Henri Emmanuelli et Jean-François Mancel posent la question des limites du pouvoir politique face à la finance mondialisée et dérégulée.
Les élus rappellent une évidence : les Etats seuls ne peuvent rien dans un monde où "4.000 milliards de dollars s’échangent quotidiennement sur le marché des changes. L’encours des produits dérivés - plus de 600.000 milliards de dollars - représente plus de 10 fois le PIB mondial. Les liquidités disponibles dans le monde progressent de quelque 15% l’an, soit près de quatre fois plus vite que le PIB".
Nombre de propositions suggèrent donc d’intervenir au niveau de l’Europe et même de "développer la coordination transatlantique sur l’ensemble des dossiers et actions touchant à la lutte contre la spéculation".
L’Europe doit aussi surveiller les Etats-Unis pour qu’ils appliquent "les règles prudentielles élaborées par le comité de Bâle" (ratio fonds propres des banques/engagements).
Les deux députés appellent de leurs voeux "une agence européenne de régulation des marchés agricoles".
Ils veulent aussi que les banques centrales évitent toute référence aux agences de notation pour ne se baser que sur leurs propres cellules d’analyse de risque.
MM. Emmanuelli et Mancel reprennent en cela une idée lancée lors du débat sur le projet de loi sur la régulation bancaire en évoquant un "régime de responsabilité pour faute des agences de notation".
Toujours pour responsabiliser les acteurs, ils estiment nécessaire "une réflexion" sur les moyens d’engager "la responsabilité des membres des conseils d’administration" des banques en cas de mauvaise gestion.
Ils veulent aussi que les pouvoirs publics ne se voient plus, en cas de crise, acculés au renflouement d’établissements financiers qui ont pris "des risques excessifs".
Alors que la confusion des métiers du secteur bancaire a été critiquée pendant la crise de 2008, le rapport ne propose que "d’engager une réflexion sur l’intérêt et les moyens d’établir une distinction entre les activités de banque de dépôt et celles de banque d’investissement".
En revanche, la commission d’enquête suggère d’interdire immédiatement "les ventes à découvert et à nu de produits dérivés de dette souveraine sur un périmètre le plus large possible".
"On peut vendre sans les posséder des contrats assurant des risques qui n’existent pas ! C’est la logique folle des ventes de +credit defaut swaps+ (...), à découvert et à nu, qui ont mis en péril l’euro au printemps", déplorent les députés.
Enfin, ils plaident pour une transparence des marchés (révision de la directive européenne MIF) et demandent la fin des "high frequency trading" (vente par ordinateurs).
Le rapport finit sur une touche lucide : "Ne nous leurrons pas. La prochaine crise - et, hélas !, elle viendra - ne prendra sans doute pas la même forme que celle que nous venons de subir (...) Sachons imaginer les outils qui permettront d’éviter une nouvelle débâcle financière et anticiper ses signes avant-coureurs".