Pourquoi les jeunes ne trouvent pas de boulot ? Où il sera montré que Nicolas Sarkozy n’y est pas pour rien (pour augmenter mon tirage comme tous les journaux ?)
Deux raisons à la question en titre :
- L’incompréhension de l’économie par les jeunes
- L’incompréhension de l’économie par les vieux.
Et je ne parle pas de la discipline de sciences sociales mais des interactions humaines d’échange et du circuit de production.
Commençons.
Les jeunes ne comprennent rien à l’économie
Loin de moi l’idée de jouer dans la démagogie anti éducation nationale pourtant le problème réside en partie dans notre système éducatif.
Aussi bien le contenu de l’enseignement que le mode d’enseignement ont des effets pervers.
Contenu – Le contenu de l’enseignement, abstrait, est très largement inutile à la vie professionnelle future. Il serait curieux de connaitre quelle part des travailleurs se sert de ses connaissances acquises à l’école pour son activité professionnelle ? Certainement une part faible.
Il n’est pas inutile d’apprendre l’histoire, le latin, la bio et la chimie. Mais ces enseignements n’ont pas de finalité pratique. Et du fait de leur nombre, ils prennent la place d’enseignement plus manuels. (un effet d’éviction)
Il est vrai que les élèves, fidèles à l’air du temps, ont peu d’estime pour les enseignements manuels.
Il est vrai surtout que la finalité réelle du contenu de l’enseignement n’est pas d’enseigner mais de sélectionner. Faut-il être satisfait de cette hypocrisie ?
Ainsi le système d’éducation nous apparait déjà séparé du système de production, ce qui me permet de venir à la seconde partie du problème, et la plus importante : le mode d’enseignement.
Mode d’enseignement – Après toutes ces années sur les bancs de l’école, l’élève en a assimilé la logique. En revanche il ne connait pas celle du monde du travail. Or les deux mondes obéissent à des règles très différentes.
A l’école il est demandé à l’élève d’être obéissant (y compris et même surtout dans les matières où l’on prétend faire exprimer de l’esprit critique). L’obéissance et donc les bonnes notes ouvrent toutes les portes. Dans le système scolaire vous êtes libre de vous orienter comme vous le souhaitez sous réserve d’avoir les notes qui le permettent. Et pour avoir ces notes, il faut bêcher. C’est la même logique que l’argent de poche. Il faut savoir doser entre réclamer et être sage.
Dans le monde du travail, l’obéissance est requise mais ce qui est demandé avant tout c’est d’être utile, productif. Il faut rapporter de l’argent, au moins pour couvrir son propre coût.
Mais l’étudiant, qu’il fasse des petits boulots ou pas, me semble rester prisonnier de la logique de l’école : il se croit en droit de choisir comme il le souhaite sa voie professionnelle en la payant de son effort.
Or il n’en est rien. Le travailleur en devenir n’entre plus dans une école mais sur le marché du travail. Il ne peut choisir ce qu’il veut mais ce que le marché offre. Le marché propose à peu près tout, mais pas aux même prix, le prix étant fonction de l’offre et de la demande et donc de l’utilité sociale de l’emploi requis et de la rareté des talents nécessaires.
En d’autres termes, à l’école on est au service de soi-même, dans le monde du travail on est au service d’autrui, ce car la contre-partie de la rémunération est le travail effectué, le service rendu.
Le manque d’intégration entre le système éducatif et le système de production a ainsi pour conséquence de nourrir des illusions. Le monde du travail est fait d’emplois qui doivent satisfaire à la fois les producteurs et les consommateurs.
Croire que la société devrait fournir à chacun l’emploi qu’il souhaite est illusoire et égoïste. C’est en ce sens – et seulement en ce sens – que Thatcher avait dit there is no such thing as society.
L’étanchéité entre circuits de l’éducation et de la production a aussi pour effet pervers de favoriser l’atomisation de l’individu. Cette atomisation se manifeste de plusieurs manières. D’une part, comme indiqué auparavant, il nourrit la croyance que l’individu choisit la voie qui lui chaut sans tenir compte de ce que la société demande.
D’autre part c’est le travail qui intègre le mieux dans la vie. A ce sujet, mentionnons la parfaite véracité d’une formule que les Nazis ont malheureusement corrompue : Arbeit macht frei. Par cynisme ou pour tromper leurs victimes, les nazis plaçaient cette formule à l’entrée de leurs camps d’extermination. Néanmoins cette formule leur est largement antérieure et témoigne à mon avis d’une profonde vérité.
Un dernier mot sur l’artificialité du processus scolaire. Il est remarquable que les connaissances acquises à l’école sont en réalité très rapidement oubliées. Preuve en est l’orthographe de tous ces élèves qui oublient sitôt quitté l’école ce qui leur a été enseigné pour se soumettre aux conventions des groupes qu’ils suivent.
Il faut se débarrasser de cette idée d’une école qui servirait de cocon où l’on enseignerait de façon neutre des connaissances à des esprits vierges.
Comment y remédier ?
Il m’arrive de penser qu’une solution pourrait consister en la mise en place d’une sorte de bourse des métiers dont les prix seraient communiqués aux élèves. Autrement dit, les élèves connaitraient les revenus de chaque emploi et pourraient se décider en fonction de ses prix, quitte à choisir être mal payé mais faire ce que l’on souhaite.
Mais une telle solution générerait vraisemblablement l’envie et la haine sociale.
Je me contenterai donc de conseiller l’intégration entre les systèmes d’éducation et de travail histoire de dissiper au plus tôt de tragiques malentendus.
Les vieux ne comprennent rien non plus à l’économie
Ceci est une hypothèse optimiste car pour expliquer leur comportement il y a une alternative :
- Les vieux ne comprennent rien non plus à l’économie,
- Ils sont malveillants et empêchent délibérément les jeunes d’avoir un travail.
La rigidité à l’entrée du marché du travail
On connait la chanson, le pendant des systèmes de protection sociale est l’accroissement du coût du travail et in fine le chômage
Puisqu’il n’est pas possible de renvoyer sans risquer de lourdes pénalités financières, on embauche moins.
Des arguments simples et rationnels mais pas compris par grand monde. C’est la théorie des insiders/outsiders. La nouvelle summa divisio du monde du travail, c’est celle qui sépare ceux qui ont un travail et sont protégés par le système, contre ceux qui n’ont pas de travail et sont en grande insécurité et doivent accepter divers types d’emplois précaires pour assurer les privilèges de la première catégorie.
Le cas du système de retraite par répartition (d’origine pétainiste d’ailleurs) est éloquent : non seulement il fait peser des charges toujours croissantes sur les travailleurs et donc augmente le coût du travail et in fine contrarie l’embauche des jeunes, mais en plus il consiste en un transfert de richesse des jeunes vers les vieux. Doublement antisocial.
La négation des différences de productivité
Les jeunes sont moins productifs en ce sens qu’ils ne sont pas formés et ne connaissent pas les routines et génèrent logiquement moins de production. Il faut ajouter à cela qu’on perd à court terme la productivité de leurs formateurs.
Cela est plus vrai dans les domaines de haute spécialisation.
En outre l’employeur prend un risque en embauchant une nouvelle personne car celle-ci peut se révéler incompétente et représenter un poids mort pour l’entreprise.
Le nouveau travailleur produit moins or c’est la production qui une fois vendue procure les revenus à l’entreprise et paie les salaires. En conséquence de quoi il est illusoire de croire que le nouvel entrant devrait être payé comme tous les autres salariés. Le nier c’est empêcher les jeunes d’obtenir du travail.
Dominique de Villepin, lorsqu’il était premier ministre, a institué brièvement le contrat première embauche (CPE) qui facilitait la rupture entre l’employeur et un jeune embauché en CPE. Interprété comme la précarisation du travail des jeunes, une telle mesure visait au contraire à faciliter l’intégration des jeunes dans le monde du travail.
De nombreux jeunes ont défilé et obtenu le retrait du CPE. Deux conséquences : ils ont supprimé un outil qui était fait dans leur intérêt, et ils ont pavé la voie de la victoire de Nicolas Sarkozy en éliminant au bon moment son principal rival à droite. Amusant, non ?
Au final la précarisation s’accroit. Elle n’est que la conséquence inéluctable d’une jeunesse qui se dirige vers des emplois que la société ne demande pas et un coût du travail trop élevé.
Emergent tout un tas d’emplois précaires. Le plus grand succès est celui du stage : il offre à l’employeur un travailleur peu qualifié, peu payé, corvéable et sans pérennité, il offre au stagiaire une vague formation et le droit d’inscrire une ligne de CV qui le rapproche du Saint-Graal : le CDI… Le stage permet surtout de court-circuiter toute la législation de protection des travailleurs.
Qui serre trop mal étreint. La protection des travailleurs se retourne contre les plus faibles d’entre eux.
En conclusion : que faire ?
Enseigner mieux l’économie ? Laissons tomber.
Il y a deux choses à faire :
- intégrer l’éducation et la formation professionnelle
- assouplir la législation du travail.