Fautes de goût

Publié le 22 décembre 2010 par Toulouseweb
Le vrai coűt de la neige, une grčve au plus mauvais moment.
Faute de vrai conte de Noël, offrons-nous une derničre tranche d’information hivernale, neigeuse et syndicale. Et commençons par le Ťvraiť coűt de la neige, comme diraient les grands hebdos, en relevant une petite faute de goűt, pas bien méchante, de la direction d’Air France.
Au moment oů la neige n’en finissait pas de fondre, que les naufragés météorologiques n’avaient pas encore disparu des aérogares françaises, la compagnie ex-nationale s’est empressée de dire haut et clair que cet épisode fâcheux va lui coűter une trentaine de millions d’euros. N’était-ce pas prématuré, déplacé, de tenir de tels propos ? Fort heureusement, les passagers transformés en SDF du transport aérien n’avaient gučre la possibilité d’écouter Europe 1. Sans quoi leur fatigue, leur dépit, n’auraient fait que croître davantage.
Qu’auraient-ils dű faire ? Compatir, se promettre d’envoyer chacun un petit chčque de 5 euros pour combler le trou dans les caisses de la compagnie ? Peut-ętre ceux qui avaient bénéficié de la mansuétude des Ťresponsablesť et dormi ŕ CDG 2 sur un lit de camp gratuit (voir la chronique précédente) auraient-ils męme dű songer ŕ envoyer carrément 10 euros ŕ Air France. Comme quoi, la communication est un art qui exige beaucoup de prudence et de réflexion.
Le męme jour, les soucis relatifs aux bonnes œuvres d’Air France ont été instantanément balayés, oubliés, effacés, par une autre faute de goűt, autrement sérieuse celle-lŕ : un mouvement de grčve des personnels de sűreté de la société Astriam en poste ŕ Marseille Provence. Alors que la pagaille neigeuse était loin d’ętre terminée, que le réseau aérien européen tournait encore sur trois cylindres, on pouvait difficilement choisir pire moment pour déclencher une grčve illimitée. On savait la culture de la grčve solidement ancrée dans l’aviation civile française mais, lŕ, tous les records d’incohérence, d’indifférence, de mépris des voyageurs ont été battus.
Un préfet, fort heureusement, a réagi avec célérité et, sans plus attendre, a décidé la réquisition pure et simple des grévistes, aussitôt suivie d’un référé des syndicats. Aprčs un moment de flottement, le temps de bloquer 3.000 passagers, de voir repartir des avions ŕ vide, la grčve s’est arrętée. Entre-temps, la mauvaise humeur avait eu le temps de s’exprimer de toutes parts, ŕ commencer par celle des voyageurs pris au pičge. Ceux qui se rendaient ŕ Paris ont dű se dire que, la prochaine fois, on ne les y reprendrait pas, qu’ils viendraient grossir la clientčle de la ligne TGV toute proche. La SNCF, elle, ignore l’usage des portiques et ne fait pas appel ŕ des agents de sűreté mécontents de leur sort.
Voici un point de blocage du transport aérien (re)découvert : il suffit d’un mouvement social de la sűreté pour bloquer la machine, instantanément. D’oů la question que personne n’ose poser ŕ haute voix : la sűreté, désormais indispensable, incontournable, ŕ prendre de plus en plus au sérieux, ne serait-elle pas davantage ŕ sa place parmi les tâches dites régaliennes de l’Etat ?
Mais, bien sűr, rétorquera-t-on, cela ne ferait que déplacer le problčme. Astriam, bien sűr, se serait volontiers passée de cette mauvaise publicité, encore que les passagers retardés, bloqués, fatigués, écœurés, l’aient peut-ętre prise pour une quelconque filiale de Météo France. Au point oů ils en étaient, ils n’écoutaient plus rien, ils ne mémorisaient plus quoi que ce soit. Ou bien se disaient-ils que le transport aérien, tout bien réfléchi, n’est toujours pas au point.
Pierre Sparaco - AeroMorning