Egalement reconnu pour sa qualité de découvreur de talents et son aptitude de chef d'orchestre rigoureux et perspicace, il donna alors sa chance à un jeune guitariste de 23 ans encore inconnu du
grand public mais qui ne tardera pas à faire parler de lui, Larry Coryell. Un an avant qu'il ne rejoigne le Gary Burton Quartet, Hamilton lui offre ainsi son premier enregistrement officiel
(Gabor Gzabo venant de le quitter pour voler de ses propres ailes), et le talentueux jeune homme ne tarde pas à se distinguer. La force du guitariste est de parvenir à donner à cet album un
accent blues/rock très prononcé qui marquera durablement les esprits, faisant de "The Dealer" un immanquable et un incontournable parmi les précurseurs naissants du style jazz/rock. Le
saxophoniste alto Arnie Lawrence y tient une place tout aussi importante dans le dialogue des compositions où l'improvisation entre les musiciens prédomine allègrement. A signaler également (le
phénomène est plutôt rare) qu'Archie Shepp joue du piano sur le morceau de sa composition "For Moods Only", un titre funky à la mélodie hyper efficace sur lequel tous les comparses s'expriment
avec une joie et une force irrésistibles. "Larry Of Arabia" (surnom choisi par Chico pour le guitariste) est un morceau blues écrit par L.Coryell. L'orgue fluide de Ernie Hayes et la batterie de
Hamilton ne sont là que pour répondre au jeu d'improvisation dans lequel se lance le prodigieux technicien durant plus de 5 minutes. Une entrée fracassante pour un jazz plus moderne qui n'hésite
plus à s'inspirer de structures mélodiques différentes de celles qu'on lui connaissait jusqu'ici, quitte à déroger s'il le faut à certaines "règles" d'écritures et de compositions.
Au final, 7 titres tous très différents mais joués tout du long avec la même énergie créatrice et communicative. Si vous aimez les jolies rencontres et les riches associations d'idées de belles
factures, alors ce disque est fait pour vous. Blues, rock, soul, jazz, tout y est joué dans une simplicité cachée digne par ailleurs des plus grandes exigences. Ne vous y trompez pas, vous avez
bien là à faire à un album "classique" qui malgré les années ne perd pas une ride et garde toute sa spontanéité originelle. Depuis sa réédition en 1999, ce disque compte 4 morceaux bonus
supplémentaires enregistrés entre 62 et 65 dans un style plus "conventionnel" mais tout aussi réjouissant. Avouez que ce serait dommage de se priver d'une telle oeuvre et de ne pas la voir
figurer dans toute bonne discothèque digne de ce nom.