Prison de Cowansville
Un héros même en prison
Le 28 juillet dernier, le célèbre Commandant Piché est venu partager à la prison de Cowansville un bout de son incroyable aventure, c’est-à-dire le sauvetage de plus de 300 passagers à bord d’un gros avion porteur privé d’essence et de moteurs.
Jean-Pierre Bellemare, prison de Cowansville.
Dossier Chronique du prisonnier, Criminalité
C’est un personnage simple, humble et surtout sans aucune prétention. Les 75 détenus qui l’ont écoutés religieusement ont par la suite questionné le Commandant avec un vif intérêt qui ne s’est pas démenti jusqu’à la fin, ce qui représente un autre exploit en soi. Le Commandant Piché a répondu à tous avec pragmatisme.
La simplicité du commandant Piché
Dès son arrivée à la chapelle, lieu prêté pour l’occasion par l’aumônier Jean, le Commandant Piché s’est présenté avec simplicité et a immédiatement pris place en engageant la conversation avec les détenus du premier rang.
Durant cet échange à cœur ouvert, il nous a confié que la plus grande difficulté dans sa vie ne fut pas de faire planer et atterrir un mastodonte de plusieurs tonnes sans moteur ni essence, mais de retourner à la vie en société après une période d’incarcération passée dans un pénitencier américain.
Commandant Piché: préjugés et réadaptation
Cela m’a personnellement touché de l’entendre décrire à quel point les préjugés et la réadaptation lui ont été pénibles. Ces propos provenant d’un héros national ont une saveur qui me restera en bouche pour très longtemps. La reconnaissance de ses difficultés m’est apparue comme une expression de force incroyable. Il croit que son expérience carcérale l’a préparé pour cet événement qui allait faire de lui un héros. Réussir à gérer une énorme cuisine en milieu carcéral avec une clientèle aussi récalcitrante que sont parfois les détenus, l’avait aguerri suffisamment pour faire face à pratiquement n’importe quel problème.
Les journalistes et le commandant Piché
L’obstacle le plus difficile à surmonter ne fut pas la force des éléments à plus de 38 000 pieds d’altitude mais le changement radical de certains journalistes après avoir découvert le passé de leur héros national. Heurté en son for intérieur, il a eu ces commentaires sans équivoque à leur endroit: «Les journalistes recherchent toujours la petite crotte qui fera augmenter le tirage de leur journal.»
Je m’en voudrais de passer sous silence la phrase choc qui m’a marquée. Alors que le commandant Piché venait de sauver d’une mort certaine plus de 300 passagers et qu’il s’apprêtait à évacuer le dernier de ceux-ci par le toboggan d’urgence, tel un véritable capitaine de vaisseau, une réflexion lui traverse l’esprit. «Avec l’attention médiatique que le sauvetage va déclencher, il sera pratiquement impossible que mon passé judicaire ne soit pas révélé au grand public… je vais sûrement perdre ma job.»
Honte à ceux qui ont cassé du sucre sur une expérience carcérale qui a fait de lui ce qu’il est devenu.
Bravo au commandant Piché, j’ai plané durant votre témoignage. Je tenterai d’honorer votre leçon à ma mesure, en attendant mon propre décollage.
Je veux remercier le commandant Piché qui par la grandeur de son geste devrait tous nous motiver. L’affranchissement de notre passé passe par un minimum d’indulgence chez ceux qui devront nous recevoir à notre sortie. Aider son prochain n’a aucune valeur si cela ne nécessite aucun effort. Je veux remercier aussi ceux et celles qui ont permis aux détenus de l’établissement de Cowansville de ressentir une certaine considération humaine, cet après-midi-là.
Demain je présenterais une entrevue du Commandant Piché réalisé par notre journaliste Dominic Desmarais.
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