Laïka
Nick Abadzis
Dargaud
Mai 2009
Il en va de certains livres comme de certains disques ou bien d'autres découvertes. Il peut se passer quelques temps avant que l'on mette la main dessus, que l'on s'y intéresse, et que l'on partage à son tour sa découverte. Laïka n'est pas une nouveauté à proprement parler, mais il est très certainement encore disponible et mérite votre attention.
Roman graphique de 201 pages petit format, en couleur, Laïka a paru à l'origine chez l'éditeur américain "First second" (un beau jeu de mot qui pourrait se traduire par : "Le premier second" (en terme de classement), ou bien "la première seconde" (d'une minute). First second fait partie d'une grosse boite : Roaring Brook press, qui pèse un certain poids au niveau publication aux USA. L'objectif de First second est de publier ce qui se fait de mieux, ou en tous cas "ce que l'on aura envie de garder". (dixit leur présentation.)
Leur politique éditoriale met en lumière des auteurs hexagonaux comme Joann Sfar, Emmanuel Guibert, Lewis Trondheim, Gipi, Didier Lefevre...etc, mais aussi bien d'autres, anglophones, qu'il est fort agréable de découvrir.
La liste est visible sur cette page.
Nick Abadzis est un auteur anglais qui a déjà publié aux états unis et au Japon. Il a basé son histoire sur l'aventure véritable du satellite Sputnik 2 et de Laîka, petite chienne russe qui a été le premier être vivant à être envoyé dans l'espace en Mars 1957. L'auteur au cours de son écriture a mené un travail à la fois scientifique et historique, basant ses nombreuses recherches sur des interviews de spécialistes et sur les archives spéciales de Sputnik sur place en russie.
Si Laîka est un livre étonnant, il est avant tout émouvant. L'auteur a en effet réussi à nous plonger dans le début de la course aux étoiles de manière très réaliste quasi documentaire, mais sans être jamais ennuyeux. La description de la société russe (beau début en flash back dans un goulag enneigé, puisque l'ingénieur chargé du futur programme Sputnik* a été désigné traître à son peuple durant un temps) pouvant d'ailleurs faire penser un peu à "Berlin, cité de pierre" (Jason Lutes) dans certaines scènes. (Celles du marché où la petite chienne, échappant à la fourrière coule quelques jours heureux, où celles, plus familiales, de la première famille du canidé par exemple.)
Cependant, au delà de cette reconstitution sociale populaire se joue un drame bien plus difficile, se déroulant dans les milieux scientifiques et militaires russes de l'époque. La performance de Nick Abadzis réside dans sa faculté à nous décrire de manière très prenante le long cheminement d'élaboration de ce deuxième programme spatial : Sécurité, secret, hiérarchie, peur..., relations humaines distanciées, mais émotions quand même filtrant de temps à autre, et l'égrenage des minutes, des heures, précédant un lancement. (Superbes scènes où l'angoisse sourde des bâtiments militaires.)
Le terme de l'histoire laisse cependant pantois, après que l'on se soit attaché, comme Yelena Dobrouvski, son maître chien, à ce petit animal si mignon, qui fut malgré lui l'acteur, et la victime, d'un évènement international extraordinaire.
...12 ans plus tard, le premier homme marchait sur la Lune, mais ça, c'est une histoire américaine.
(*) Sergueï Pavlovitch Korolev
Voir aussi le blog sympathique de First second :
http://firstsecondbooks.typepad.com/mainblog/