La comédie musicale Sweeney Todd pourrait se résumer à un concentré des histoires les plus sordides des bas-fonds du Londres de Jack l’éventreur. Ecrite par Stephen Sondheim et mis en scène par l’un des papes de Broadway, Harold Prince, en 1979, la pièce est pour la troisième fois portée à l’écran. Et après moult rebondissements de production, Tim Burton, prodige du fantastique hollywoodien, a réussi à récupérer le projet. Le réalisateur met en scène la vengeance sanglante de Sweeney Todd qui a fait salle comble à Londres et à Broadway depuis trente ans.
Un conte à l’humour macabre qui dénonce en chansons les vices de la modernité industrielle. A l’aide de son rasoir et de ses cordes vocales, Sweeney Todd, laissé-pour-compte modèle, affûte sa lame, s’enfermant dans son échoppe de Fleet Street et dans sa folie. Mrs Lovett, icône d’un romantisme maudit, chante ses rêves de vie au bord de mer en cuisinant l’infâme viande. Le couple, dont l'amour est à sens unique, va pousser de plus en plus loin la chansonnette et son entreprise peu ragoûtante dont l'issue ne peut qu'être fatale...
Les chansons de Stephen Stondheim (Tim Burton a dû les reprendre intégralement) subliment les émotions du couple meurtrier. La folie n’empêchant pas le rire, l’humour ponctue le film, grâce à des seconds rôles hauts en couleurs. Véritable tache au milieu des nuages grisâtres d’un Londres trop pollué, le barbier italien (joué par Sacha « Borat » Baron Cohen) permet d’alléger un conte très violent et sanglant.
Tim Burton nous offre une adaptation très noire d’une comédie musicale déjà très pessimiste. Un univers sombre, des personnages presque schizophrènes, des éloges chantés à la mort : Burton fait du Burton. Et pour notre plus grand plaisir. Si le scénario reste fidèle à l’œuvre de théâtre originale, le réalisateur de Sleepy hollow a concentré sa caméra sur ses deux acteurs fétiches.
Plus adulte que L’étrange noël de Monsieur Jack, plus poisseux que Sleepy hollow, ce nouveau Tim Burton se dresse en anti-Big Fish par excellence, en s’offrant le luxe d’un duo d’acteurs « oscarisables ». Tim Burton restera le seul réalisateur capable d’alterner le conte anglais le plus guilleret (et le plus vendu), Charlie et la chocolaterie, et la plus macabre comédie musicale sur la perfide albion.
Gaël Vaillant
« Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street » de Tim Burton avec Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Alan Rickman
Le superbe (et terrifiant) générique du film :