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Sweeney Todd, mélodies pour des meurtres

Par Christophe Greuet

Sweeney Todd, mélodies pour des meurtres

La comédie musicale Sweeney Todd pourrait se résumer à un concentré des histoires les plus sordides des bas-fonds du Londres de Jack l’éventreur. Ecrite par Stephen Sondheim et mis en scène par l’un des papes de Broadway, Harold Prince, en 1979, la pièce est pour la troisième fois portée à l’écran. Et après moult rebondissements de production, Tim Burton, prodige du fantastique hollywoodien, a réussi à récupérer le projet. Le réalisateur met en scène la vengeance sanglante de Sweeney Todd qui a fait salle comble à Londres et à Broadway depuis trente ans.


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L’histoire ressemble à l’une de ces légendes dont s’abreuvent les touristes à Londres. Dans les rues industrielles de la capitale anglaise, un barbier (Johnny Deep) veut se venger, quinze ans après avoir été injustement envoyé en prison. Une vendetta irraisonnée dirigée contre des élites qui manipulent la société ouvrière. « Nous méritons tous de mourir » déclare Sweeney Todd pour justifier ses actes meurtriers. Mrs Lovett, une vendeuse de tourte à la viande amoureuse (Helena Bonham Carter), devient sa complice même si le barbier ne répond pas à ses avances. Il égorge ses clients, elle cuisine les cadavres pour régaler les gourmands.
Un conte à l’humour macabre qui dénonce en chansons les vices de la modernité industrielle. A l’aide de son rasoir et de ses cordes vocales, Sweeney Todd, laissé-pour-compte modèle, affûte sa lame, s’enfermant dans son échoppe de Fleet Street et dans sa folie. Mrs Lovett, icône d’un romantisme maudit, chante ses rêves de vie au bord de mer en cuisinant l’infâme viande. Le couple, dont l'amour est à sens unique, va pousser de plus en plus loin la chansonnette et son entreprise peu ragoûtante dont l'issue ne peut qu'être fatale...
Les chansons de Stephen Stondheim (Tim Burton a dû les reprendre intégralement) subliment les émotions du couple meurtrier. La folie n’empêchant pas le rire, l’humour ponctue le film, grâce à des seconds rôles hauts en couleurs. Véritable tache au milieu des nuages grisâtres d’un Londres trop pollué, le barbier italien (joué par Sacha « Borat » Baron Cohen) permet d’alléger un conte très violent et sanglant.
Tim Burton nous offre une adaptation très noire d’une comédie musicale déjà très pessimiste. Un univers sombre, des personnages presque schizophrènes, des éloges chantés à la mort : Burton fait du Burton. Et pour notre plus grand plaisir. Si le scénario reste fidèle à l’œuvre de théâtre originale, le réalisateur de Sleepy hollow a concentré sa caméra sur ses deux acteurs fétiches.
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Johnny Deep est devenu Sweeney Todd.
Il incarne un véritable fou, à la fois pitoyable et effrayant. Cette démence pourrait bien conduire l’acteur jusqu’aux Oscars. Johnny Deep a déjà reçu dimanche dernier le Golden Globe du meilleur acteur pour une comédie/film musical. Quant à Helena Bonham Carter, elle assure sa partition, sans fausses notes. Les seconds rôles servent plus de faire-valoir. Mais les (rares) apparitions d’Alan Rickman ou de Sacha Baron Cohen (qui l’aurait cru en barbier italien coloré et déjanté ?) sont délectables.
Plus adulte que L’étrange noël de Monsieur Jack, plus poisseux que Sleepy hollow, ce nouveau Tim Burton se dresse en anti-Big Fish par excellence, en s’offrant le luxe d’un duo d’acteurs « oscarisables ». Tim Burton restera le seul réalisateur capable d’alterner le conte anglais le plus guilleret (et le plus vendu), Charlie et la chocolaterie, et la plus macabre comédie musicale sur la perfide albion.
Sweeney Todd, mélodies pour des meurtres

 

Gaël Vaillant

« Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street » de Tim Burton avec Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Alan Rickman

Le superbe (et terrifiant) générique du film :


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