Portraits de pouvoir : s’il s’agissait de décoder les signes du pouvoir dans les portraits, on aurait au moins un sujet intéressant. Mais rares sont ceux qui s’y essaient et la plupart des photographes et vidéastes présents dans cette exposition à la Strozzina, l’espace art contemporain du Palais Strozzi à Florence (en dessous de Bronzino; jusqu’au 23 janvier), se contentent d’interprétations naïves et hyper-simplistes. Les graphiques paranoïaques de Bureau d’études dénonçant l’habituel complot global, les clubs privés élitistes de Jim Dow, les oligarques mexicaines de Daniela Rossell, le dévoilement des images cachées de la CIA par Trevor Paglen, les stéréotypes de Francesco Jodice sur Dubaï, ou les vilains capitalistes de la Deutsche Bank de Clegg & Guttmann réjouiront le coeur de tout bon libertaire anticapitaliste, mais n’apportent pas grand chose en termes de photographie, ni de compréhension de la réalité du pouvoir au delà des idées préconçues.
La série de sept portraits d’Olivier Silva, légionnaire, que Rineke Dijkstra a suivi pendant trois ans après son engagement est splendide : on voit le jeune homme incertain, timide, mal à l’aise, gagner peu à peu en maturité, en assurance, devenir un soldat d’élite. Est-ce pour autant, comme le commissaire de l’exposition veut nous en convaincre, une manifestation de pouvoir, d’écrasement de la personnalité (en prétendant d’ailleurs, à tort, que tous les légionnaires doivent changer d’identité) ? On peut en douter et préférer, sur ce sujet, une approche plus intelligente comme chez Claire Denis, Charles Fréger ou Bernadette Genée et Alain Le Borgne, et moins grossièrement interprétative du travail de Dijkstra (photo d’installation de Valentina Muscedra, recadrée).
Enfin, il n’y est qu’indirectement question de pouvoir mais la courte vidéo de Christoph Brech, Sea Force One, où deux hommes dans un canot lavent la coque de ce yacht de luxe, est un poème visuel où la coque noire, le savon blanc et les reflets dans l’eau créent une harmonie proche de l’expressionisme abstrait ou de la calligraphie chinoise. Mais pour y être sensible, il faut sans doute, là encore, oublier ou détourner le message (photo de l’auteur). Après cette exposition plutôt décevante, c’est un plaisir, dans la cour du Palais Strozzi, d’entrer dans un cube de métal brut et rouillé et de pénétrer dans un palais des glaces paradisiaque, éclairé par la réflexion de néons multipliés à l’infini, au centre duquel un cénotaphe de plaques d’argile ficelées par des cordages nous reconcentre, nous ramène à notre condition humaine : Mètre carré d’infinité dans un cube de miroirs, de Michelangelo Pistoletto (photos à gauche de Valentina Muscedra, recadrée et à droite d’Enrico Amici).Christoph Brech étant représenté par l’ADAGP, la photo de son oeuvre sera ôtée du blog à la fin de l’exposition.