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Lettre ouverte à Auxeméry, sur sa traduction du Maximus d'Olson, par Nathaniel Tarn

Par Florence Trocmé

Poezibao a reçu cette « Lettre ouverte à J.P. Auxeméry à propos de la traduction des Poèmes de Maximus de Charles Olson », (La Nerthe, Toulon, 2009.) Une occasion de remettre à la une cette très importante parution
 
Cher ami, 
En vous écrivant, je crois avoir souligné que les États-Unis n’ont pas de Ministère de la Culture et ne peuvent donc – comme c’est le cas pour beaucoup de pays civilisés, dont la France – honorer et récompenser ceux qui ont rendu au pays de très grands services culturels. Tout au plus avons nous une « National Endowment for the Arts » qui jouit de très peu de moyens et ne fait donc pas grand chose – sous la devise (imbécile au plus haut point):  « Because a Great Nation deserves Great Art. » 
Vous avez traduit un très grand nombre de poètes américains (entre autres : Pound, H.D., Williams, Reznikoff et Creeley) et devriez donc recevoir ces honneurs si justice était faite. 
Et voici que m’arrive un exemplaire de votre travail extraordinaire sur les "Maximus Poems" de Charles Olson. 
Un gros tas de soucis et de problèmes, sans dénombrer les comédies médicales, m’ont empêché jusqu’ici de rendre justice à ce livre de 915 pages : : votre Maximus. Mais finalement j’ai pu enfin passer une longue soirée avec ce livre – œuvre magistrale sur une œuvre magistrale  : en situant Olson non seulement dans sa propre peau et son propre pouvoir, mais aussi dans son contexte – Pound, Williams, Duncan, Creeley, Dorn et toute la sainte lignée – vous avez pu donner à vos compatriotes l’à-peu-près tout de ce qu’il pourrait y avoir de valable en notre temps, en notre siècle, chez nous ici. 
Chose qui se dissout en ce moment, paraît-il, avec une rapidité vertigineuse dont on finit par avoir honte. 
La plupart du temps, je me trouve incapable de lire des traductions dans une langue que je connais et venant d’une langue que je connais. Mais après avoir parcouru vos douze chants de l’arrière-préface, j’avoue que je serai parfaitement capable, quand mon temps reviendra de lire le grand Charles, de vous prendre comme guide tout aussi bien que les fameux savants Butterick, Maud, Sherman Paul et autres dont vous avez, avec méthode et alchimie, rendu l’essentiel, tout en y ajoutant vos propres connaissances et expériences. On voit bien que vous avez travaillé sur Olson depuis trente ans : : il n’est pas nécessaire qu’on nous le dise... 
Et, comme toujours, vous avez cette capacité, excessivement rare, d’entrer dans la voix, dans le rythme verbal, dans la prosodie de celui que vous traduisez : en vous lisant, je me suis trouvé chez Olson comme si je le lisais en américain. 
Ne connaissant que mal la situation de la poésie en France, je me demande jusqu’à quel point, dans quelles situations et dans quels contextes votre œuvre trouvera sa place et quelle reconnaissance se manifestera pour vous remercier le plus chaleureusement possible de ce grand don que vous avez mis en place. Y a-t-il déjà quelques signes que le livre a été lu, recensé, et apprécié à sa juste valeur? Tenez-moi au courant de tout cela, je vous en prie. En attendant je tenterai de faire connaître ici toute la portée de votre hommage – je connais finalement très peu de monde et les voies de la propagande ne me sont pas exactement ouvertes. Mais nous verrons. 
En attendant, acceptez d’un ami américain les plus chaleureuses des félicitations : le constat du rapport entre notre être et notre réalité n’a jamais eu autant d’éclat et de mérite que sous l’envergure de votre navigation de l’océan olsonien  
 
à vous, 
 
Nathaniel Tarn 


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