Hortefeux, toujours ministre
Brice Hortefeux « soutient les policiers qui font leur devoir.» Quelle déclaration, lue ce weekend dans le Parisien ! Doit-on soutenir les ministres qui n'assument pas le leur ? L'homme des bourdes neigeuses, le ministre déjà condamné pour injure raciale (il a fait appel) n'hésite pas à suivre maladroitement l'exemple de son patron, Nicolas Sarkozy : une fermeté dans le discours ... rarement suivie de résultats. Vendredi dernier, il a été condamné à 1 euro de dommages et intérêts pour atteinte à la présomption d'innocence à l'encontre de David Sénat, l'ancien conseiller de Michèle Alliot-Marie alors garde des Sceaux. Ce dernier avait été accusé d'avoir communiqué à la presse (et notamment le Monde) certains procès-verbaux d'auditions relatifs à l'affaire Woerth/Bettencourt. D'autres PV d'auditions ont été allègrement publiés par le Figaro, sans que ces fuites ne suscitent une quelconque indignation officielle. Il y a 10 jours, Hortefeux avait sous-estimé l'ampleur de la pagaille provoquée par des averses de neige en Ile-de-France. Il y a 15 jours, il s'était indigné de la condamnation de 7 policiers reconnus coupables d'avoir trafiqué leurs témoignages, oubliant le principe de la séparation des pouvoirs. Quel ministre, dans un autre démocratie occidentale, serait encore en poste avec tel palmarès en aussi peu de temps ? Conscient de ses boulettes, son interview au Parisien était une première défense. Il reconnaît la culpabilité de ses policiers, et y précise qu'il ne jugeait que l'importance de la sanction prononcée (de la prison ferme).
Mercier, peut-être ministre.
Michel Mercier, ministre de la justice depuis le 15 novembre dernier, est un homme discret. En charge de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire dans le précédent gouvernement Fillon, on avait fini par oublier son existence. Puis, grâce à la saillie verbale de Brice Hortefeux contre la sévérité de la sanction infligée aux 7 policiers menteurs, le garde des Sceaux est sorti du bois. Ce coup d'éclat passé, il s'est affiché aux côtés de Brice Hortefeux, pour calmer la polémique. Puis, plus rien. Pourtant, les sujets ne manquent pas.
La semaine dernière, la Cour européenne des droits de l'homme puis la Cour de Cassation ont rappelé tour à tour que les procureurs ne pouvaient pas être considérés comme « autorités judiciaires indépendantes », selon les normes européennes. Même les procureurs ont fait savoir qu'ils souhaiteraient voir leur indépendance reconnue à travers une modification de leur mode de nomination : « il est impératif de modifier le statut des parquetiers, et notamment leur mode de nomination, afin de leur permettre de travailler dans la sérénité. (...) Fondamentalement, nous tirerons toujours notre légitimité de notre lien au garde des Sceaux pour la mise en œuvre des politiques publiques, et de notre statut de magistrat pour l'examen des situations individuelles » expliquait ainsi Robert Gelly, président de la Conférence des procureurs le 16 décembre dernier. Michel Mercier a promis de les recevoir le 5 janvier prochain. Rien ne presse...
Le Garde des Sceaux s'est également abstenu de tout commentaire, pour l'instant, sur la réforme de la garde à vue, curieusement détricotée par la commission des lois de l'Assemblée nationale.
Mercredi 15 décembre dernier, la commission des lois a en effet adopté le projet de loi sur la garde à vue. Michèle Alliot-Marie, quand elle était garde des Sceaux avant le dernier remaniement, avait imaginé un truc bizarre, la possibilité d'une audition « volontaire » d'un suspect pendant 4 heures maximum, sans la présence d'un avocat. L'absence d'avocat pendant la garde à vue est une spécificité française qui provoque de plus en plus de remous. Le texte adopté en commission des lois sera évalué puis voté du 18 au 20 janvier prochain par les députés. Il supprime cette audition libre de 4 heures. Il exige également que la garde à vue se déroule sous le contrôle du juge des libertés et de la détention et non plus du parquet, et qu'elle soit explicitement motivée. L'avocat devrait avoir accès au dossier de son client, et sera présent dès le début de la garde à vue, sans pouvoir interrompre les policiers avant la fin de l'interrogatoire. Mais le texte contient de curieuses exceptions qui vident de leur sens ces premières avancées : l'intervention de l'avocat pourra, « en considération de raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête ou de l’instruction », être retardée de 12 heures voire 24 heures par le procureur (pour les crimes et délits punissables de plus de 5 ans d'emprisonnement), voire de 48 heures par le juge des libertés.
Michel Mercier n'a pas réagi. Est-il vraiment ministre ?
Bertrand, encore ministre
Xavier Bertrand, ministre du Travail, revient enfin sur l'affaire du Mediator. Accusé, comme d'autres, de complaisance, il préfère parler de défaillance. Ce médicament antidiabétique des laboratoires Servier, commercialisé depuis 1976, est passé à travers toutes les validations officielles, malgré des alertes répétées sur son inutilité sanitaire, jusqu'à ce que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) admette enfin, le 16 novembre dernier, le chiffre d'« au moins 500 décès » attribuables au Médiator et un risque multiplié par trois de maladies des valves cardiaques. Début décembre, Bertrand avait annoncé attendre un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) pour le 15 janvier sur les failles dans les procédures d'alerte. Ni la question de la responsabilité politique, ni celle des conflits d'intérêts n'est évoquée ou assumée.
Samedi dernier, le Figaro révélait que le nombre de morts était réévalué à 1000 à 2000 morts. Pire, le même quotidien expliquait que dès 1998 trois médecins de la Sécurité Sociale alertait l'Agence du Médicament sur les risques du Mediator. Le Figaro publie la lettre de ces médecins dans laquelle ces derniers dénoncent « l'utilisation non contrôlée d'un produit de structure amphétaminique, dans un but anorexigène. Il est en effet assez paradoxal de constater que la prescription de Mediator est tout à fait libre tandis que celle des médicaments du groupe des amphétaminiques est strictement encadrée depuis mai 1995. » Depuis, ce courrier n'a jamais été suivi d'effet.
Lundi 20 décembre, le ministre se défend à nouveau dans les colonnes du Figaro : « Je suis nommé le soir du dimanche 15 novembre au ministère de la Santé. Le lendemain, j'apprends que le Mediator aurait provoqué le décès d'au moins 500 personnes.» On oublierait presque qu'il était ministre de la Santé en 2006 et qu'il n'a pas non plus réagi à un avis de la commission de la transparence de la Haute-Autorité de santé qui, à l'époque, avait également dénoncé l'inutilité du médicament.« Je veux comprendre pourquoi, malgré certaines mises en garde, malgré une parenté chimique avec des molécules interdites, ce médicament est resté sur le marché pendant trente-trois ans. » Presque provocateur, il rappelle que le médicament avait été interdit par l'Espagne dès 2003 et l'Italie en 2004. Mais il s'exonère : « La question du remboursement d'un médicament n'a rien à voir avec son éventuelle dangerosité. » Sur les éventuels rapports entre le monde médical et les autorités politiques ou sanitaires, et les éventuels conflits d'intérêt qui en découlent, Xavier Bertrand botte en touche : « Tous ces amalgames créent une confusion impossible. De manière générale, il faut absolument que nous soyons capables de régler la question des conflits d'intérêts qui est régulièrement posée. Nous avons fait des progrès. Nous devons aller plus loin encore, en nous inspirant des pays qui ont les systèmes les plus transparents. » Sa toute nouvelle secrétaire d'Etat à la Santé Nora Berra a travaillé dans trois laboratoires pharmaceutiques différents entre 1999 et 2009.