Il permet, via une alimentation par les organismes de crédit, de recenser l’ensemble des informations liées aux crédits des particuliers. Ce fichier est mixte, contrairement à ce que son nom indique, rassemblant à la fois des données « positives » (crédits et historique de paiement) et « négatives » (incidents de paiement, crédits impayés, etc).
En 2009, 1/3 des ménages français disposaient d’un crédit à la consommation, ce qui représente 8,67 millions de personnes[1]. Selon la Banque de France, le nombre de ménages surendettés augmente de 16% par an depuis le début de la crise, et 217 314 dossiers de surendettement ont été déposés entre le mois d’août 2009 et juillet 2010, soit une hausse de 4,5% par rapport à l’année précédente.
Premier(s) pas vers l’adoption d’un fichier positif ?
La réforme du crédit à la consommation prévoit, entre autre, le renforcement du Fichier national des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers (FICP), et l’obligation pour les organismes de crédit de l’interroger lors du processus d’octroi. Il est également envisagé un meilleur encadrement du crédit revolving et notamment des méthodes de vente associées, et la mise en place d’une « fiche de dialogue », contenant les informations relatives aux ressources et charges du débiteur, ainsi que ses emprunts en cours (éléments déclaratifs). Ces nouvelles mesures doivent être mises en œuvre de manière progressive d’ici mai 2011.
Le fichier positif de l’endettement permettant de recenser tous les emprunts d’un particulier, n’a quant à lui pas été retenu. En revanche, un comité de préfiguration[2] chargé d’étudier les modalités de la mise en place d’un fichier positif en France à été crée. Le comité a initié sa réflexion en septembre 2010 et dispose d’un délai d’un an après promulgation de la loi, pour rendre son rapport.
La France est l’un des rares pays européens à ne pas disposer d’un fichier positif. La question d’un tel outil est débattue depuis la loi relative au surendettement des particuliers et des familles de 1989[3]. Toutes les propositions de lois[4] envisageant la création d’un fichier positif en France ont jusqu’ici été rejetées. Par contre, l’approche « fichier négatif » prévaut depuis 1990, date de création du FICP, géré par la Banque de France et listant les particuliers qui n’ont pas remboursé leur crédit à échéance. En ce qui concerne les entreprises, il existe déjà une forme de fichier positif : le fichier bancaire des entreprises (FIBEN), banque de données gérée également par la BDF qui recense les informations comptables et financières sur la base du bilan des entreprises, les crédits octroyés, incidents de paiement, et certaines informations judiciaires.
Avec la nouvelle loi sur le crédit à la consommation, le projet d’une centrale des risques aux particuliers est mis en suspens au moins pour une année. Toutefois, l’idée ne semble pas être abandonné puisque le comité de préfiguration qui rassemble toutes les parties prenantes (élus, banques, commerces, CNIL, BDF, association de consommateurs, etc.) est chargé de se prononcer non sur les opportunités d’un fichier positif mais sur sa faisabilité.
Retour d’expériences internationales
Les pays européens voisins ont pour la plupart adopté un dispositif de recensement des crédits aux particuliers, mais avec des modèles hétérogènes. Ce fichier peut être géré par un prestataire privé (cas le plus courant), par une institution publique telle que la banque centrale nationale (Belgique, Autriche, etc.), ou encore par un consortium d’institutions financières (The Irish Credit Bureau en Irlande, le CRIF en Italie) ou de banques et commerçants (Schufa en Allemagne). Dans certains pays, il existe des systèmes concurrents privés (cas de la Grande Bretagne entre Experian, Equifax, et Callcredit) ou public-privé (Espagne, Portugal).
Souvent citée comme exemple de référence pour la France, la Belgique a mis en place un fichier positif depuis fin 2003. Géré par la Banque Nationale de Belgique, cet outil a pour finalité la lutte contre le surendettement. Cependant, il n’a pas eu les effets escomptés et n’a pas permis d’enrayer le surendettement. A titre de comparaison, le nombre de dossiers de surendettement déposés a augmenté de plus de 90% de 2004 à 2009 en Belgique, contre 19% en France pour la même période.
De l’autre côté de la Méditerranée, on peut citer le cas du Maroc qui a adopté une nouvelle stratégie en matière de gestion du risque de crédit en se dotant d’un crédit bureau (ou équivalent du fichier positif), opérationnel depuis octobre 2009[5]. Le Royaume, qui recense depuis 1978 les informations négatives sur la situation financière des emprunteurs, a fait le choix de renforcer et d’externaliser la gestion de sa centrale des risques, auprès d’un prestataire privé (Experian). La consultation du rapport de solvabilité, produit par le crédit bureau sur la base des données récoltées, est désormais obligatoire lors de l’octroi d’un prêt. Un an après sa mise en place, le crédit bureau a eu un réel impact sur le mode opératoire et le traitement des dossiers de crédit des établissements bancaires et assimilés. Néanmoins, aucune donnée chiffrée qui permettrait d’évaluer l’efficacité du nouveau dispositif n’a encore été publiée.
Que peut apporter la mise en place d’un fichier positif ?
Le fichier positif a pour objectif premier de prévenir l’accumulation des dettes auprès de différents établissements de crédit, situation qui conduit au surendettement. Il permet également de réduire l’asymétrie d’information entre l’emprunteur et son créancier, ce dernier disposant d’une plus grande connaissance du niveau d’endettement de son client. Il est avancé qu’un tel outil responsabiliserait l’établissement prêteur qui disposera désormais d’un indicateur précis du niveau de solvabilité du client pour établir sa décision. A terme, ce dispositif devra conduire à la réduction des incidents de paiement mais aussi à l’élargissement de l’accès au crédit à un public pénalisé par la technique dite du scoring sur laquelle un certain nombre d’institution financières fondent leur décision d’octroi d’un prêt..
Pour autant, un registre national des crédits présente plusieurs inconvénients. Le fichier positif risquerait de faire doublon avec le système d’évaluation interne des banques. En effet, ces dernières disposent d’un outil permettant d’évaluer la solvabilité du client, et le fichier positif pourrait se révéler être une nouvelle contrainte plutôt qu’un dispositif complémentaire.
Le principal argument mis en avant par les détracteurs du fichier positif est qu’il ne peut prévenir la plupart des situations de surendettement, survenant dans 9 cas sur 10 d’un accident de la vie. Le registre national de crédit soulève également un problème de confidentialité : les organismes de crédit auraient accès à un certain nombre d’informations personnelles qui pourraient être réutilisées à des fins commerciales (c’est le cas en Grande-Bretagne par exemple), pour développer des offres de crédits personnalisées alléchantes, ce qui in fine risque d’aboutir à l’effet inverse du résultat escompté.
En outre, la gestion et l’exploitation d’un tel fichier peut s’avérer lourde et coûteuse (plusieurs dizaines de millions d’euros en fonction de la taille du marché), car pour donner une vision complète de la situation financière de l’emprunteur, il doit contenir une quantité importante d’informations correspondant à ses ressources et charges, et une mise à jour permanente est nécessaire pour garantir sa pertinence.
Divisions autour du fichier positif
Le débat sur le fichier positif fait clairement apparaître les antagonismes entre les parties prenantes. Au sein de la communauté bancaire, la Fédération Bancaire Française (FBF) tout comme certaines grandes banques affichent une ferme opposition à l’introduction d’un fichier positif, qui n’a pas enrayé la progression du surendettement dans les pays qui en disposent. D’autres institutions bancaires, dont un nouvel acteur sur ce marché, se prononcent au contraire favorablement.
Les associations de consommateurs s’opposent pour la plupart à la mise en place du fichier positif, considéré comme une ingérence dans la vie privée et comme une méthode inefficace pour lutter contre le surendettement. Quant à la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), en charge de protéger la vie privée et les libertés des citoyens, après avoir précédemment refusé la création d’un fichier central des crédits (en 2005 et en 2007), elle continue d’émettre des réserves.
Néanmoins, les parties prenantes (pro ou anti fichier positif) proposent des améliorations au dispositif ou d’autres pistes de réflexion. La CNIL par exemple, insiste sur un encadrement renforcé de la consultation du fichier. La FBF estime que la prévention du surendettement passe par l’éducation financière dès le plus jeune âge, et par le suivi des populations fragiles, mesures plus efficace que la mise en place d’un registre national des crédits aux particuliers. UFC que choisir propose d’interdire la distribution du crédit renouvelable sur le lieu de vente, mesure jugée plus urgente et plus efficiente que la création d’un fichier positif selon l’association.
Le débat sur le fichier positif refait régulièrement surface en France et les divergences subsistent à propos de la pertinence d’un tel dispositif et son utilité réelle. Pour autant, l’idée d’un tel fichier dans l’hexagone n’est pas totalement écartée, et le comité de préfiguration est en charge d’étudier les modalités de sa mise en place. Les diverses expériences européennes et marocaine, mettent en avant qu’il importe de réfléchir sur la finalité d’un tel système (exploitation commerciale des données ou prévention du surendettement), le type de gestion (publique ou privée), le niveau d’information souhaité, et sur son encadrement légal et règlementaire. Plus qu’une mesure de lutte contre le surendettement, le fichier positif est un moyen de développer le marché de crédit de façon plus responsable et de stimuler la consommation et la croissance. Il aura sans aucun doute un impact sur la gestion du risque de crédit aux particuliers, notamment au sein des banques et autres organismes de crédit à condition qu’il serve d’outil complémentaire et non de substitution à leur outil d’évaluation interne.
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