Dans ton scénario, tu avais prévu deux personnages, un homme et une femme, les deux dans leur quarantaine. Les deux avec leurs bagages, leurs succès, leurs principes, leurs tentatives, leurs joies, leurs larmes, leurs errances, leurs victoires, leurs failles, leur coeur. Les deux en manque d'amour, les deux las de leur solitude.
Et on te suit sagement, en spectateur attentif, nous conter ces deux vies, à peu près sûrs que toi, scénariste parmi les scénaristes, tu les feras forcément se rencontrer au hasard d'un trottoir, à la sortie d'une bouche de métro, dans un couloir de bureau, au sommet de la Tour Eiffel, sur un blog, dans une salle noire, dans un resto bruyant, dans une bibliothèque, ou une piscine, à un cours de théatre ou à une sortie d'école.
Tu nous mènes de l'un à l'autre,de chassé croisé en chassé croisé, et les chassés croisés se font de plus en plus rapidement, on en est quasiment au même rythme que Jack Bauer dans la saison 8, avant-dernier épisode, c'est pour dire si on est sûrs qu'il vont bientôt se rencontrer.
Sauf que non. Le monteur a pris la main. Il suffit d'une simple astuce de montage, un petit coup de ciseau dans ton scénario, pour que l'on comprenne que les deux scènes dans le resto où ils vont enfin se croiser se passent en fait à une semaine d'intervalle. Sic. On avait tout faux. Le scénariste n'est rien, si le monteur n'en fait qu'à sa tête.
Du coup, la production t'a laché. Ils ne financeront pas ton film, le montage ne leur a pas plu. Ils voulaient une happy end. C'est normal tu sais, Ca fait des années qu'Hollywood ne finance que les happy end. Oui oui je sais, ici on est en France, mais que veux tu, en secret, on aime aussi les happy ends.
Dis, tes protagonistes, là, je les connais, et ils sont à bout de leur solitude. Change ton monteur, parce que Meetic, ils n'en peuvent plus.