On a beaucoup glosé sur le rapprochement OTAN-Russie. Le long article 23 de la déclaration de Lisbonne, qui traite du partenariat particulier avec la Russie, évoque le sujet. De même, la déclaration du COR (Conseil Otan-Russie) "raconte" (c'est du story telling) quelques petites choses.
On s’aperçoit que malgré les déclarations satisfaites, il y a loin de la coupe aux lèvres.
1/ On y apprend, oh ! surprise, que « la coopération OTAN-Russie revêt une importance stratégique ». « Nous souhaitons un véritable partenariat stratégique, et nous agirons en conséquence, attendant de la Russie une attitude réciproque ». Le simple fait qu’on attende la réciprocité signifie que celle-ci ne va pas de soi ! D’ailleurs, les alliés invitent la Russie à remplir les engagements en Géorgie : il y a encore quelques épines dans le tapis de pétales de roses ! Après les aperçus rituels sur la lutte antiterroriste ou la non prolifération, on note « les arrangements en vue de faciliter le transit en provenance et à destination de l’Afghanistan pour la FIAS ».
2/ C’est quasiment la seule chose concrète, et il faut bien voir que si c’est une bonne chose pour l’Alliance (qui trouve ainsi une alternative au monopole logistique pakistanais), c’en est également une pour la Russie : tout d’abord car elle se fera payer au prix fort, parce qu’ensuite cela permet d’appuyer la lutte contre les trafiquants de drogue en provenance d’Asie centrale, qui sont un défi croissant, enfin parce que par ce biais là, elle détient un moyen de pression augmenté sur l’Alliance : une fois que les routes logistiques Nord seront ouvertes et que les alliés s’y seront accoutumés, il va de soi qu’il leur sera très difficile de s’en déprendre, et qu’ils voudront les sauvegarder à des prix élevés : l’arme vaut le coup, dans le cadre des marchandages de demain.
3/ Au sujet de la DAMB, la formulation est vague et montre qu’il n’y a eu aucun engagement : « Nous cherchons activement à coopérer avec la Russie dans le domaine de la défense antimissile, y compris par la reprise des exercices de défense contre les missiles de théâtre ». Il faut se souvenir qu’une coopération en ce sens avait été lancée en 2006, mais qu’elle avait brusquement cessé en 2007, lorsque le président Bush avait décidé unilatéralement d’implanter un troisième site en Pologne et en Tchéquie. En fait, l’embryon de coopération n’est qu’un retour à une situation préexistante, qui avait été annihilée par la maladresse des Américains.
4/ A lire le texte de la déclaration du conseil OTAN Russie (COR), on n’apprend pas grand-chose de plus. « Nous soulignons que le COR est un forum qui permet un dialogue en toute circonstances et sur tous les sujets, y compris ceux de désaccord » : on lit là une allusion au gel de ce conseil qui avait eu lieu en 2008, à la suite de l’affaire géorgienne : comme il fallait bien réagir, l’Alliance avait décidé de suspendre ces réunions. Le simple fait que le COR se tienne à nouveau, en grand format, et une façon de revenir à la case départ, là encore.
5/ S’agissant des antimissile, le texte mentionne « l’évaluation conjointe des menaces liées aux missiles balistiques » (mais si je me souviens bien, ce texte avait déjà été signalé précédemment et il ne s’agirait donc pas d’une nouveauté), et « le COR va reprendre la coopération sur la défense contre les missiles de théâtre ». Deux mots sont ici importants : « reprendre », on a déjà vu pourquoi. « Théâtre », car il ne s’agit pas du grand projet de DAMB de territoire décidé par le concept, mais quelque chose de beaucoup plus restreint.
6/ Le texte apporte une précision sur l’accord de transit à destination de la FIAS : il s’agit du « transit ferroviaire, par le territoire russe, de matériels non-létaux » : en clair, pas de transport d’armes ni de munitions, mais des carburants, des ingrédients, du matériel divers (campement, organisation du terrain, protection, soutien de l’homme, …).
On le voit, il y a bien eu quelques politesses d'échangées : de là à dire que c'est "embrassons-nous Folleville", il y a un pas que les spin doctors ne nous ferons pas franchir. Et puisque nous en sommes aux langues étrangères, j'en connais un qui dirait volontiers : "Nihil Novi sub Sole"
O. Kempf