C’est l’hiver. La terre tremble de froid, et sous son étreinte, dans un instant, elle se fendra en deux.
Un froid palpable et tangible marche sur le monde : celui des anciens temps, revenu là pour en finir avec l’immense peuple des marais, des joncs et des grands herbages.
Rien n’est plus troublant, plus inquiétant, plus effrayant que ce silence des marais gelés avec ces brouillards épais qui cachent des corps livides, des bouches muettes de vase ; dernier germe de vie dans une eau piégée sous la glace.
Une rumeur passe dans les roseaux avant le retour d’un silence profond ; celui que le froid impose à quiconque tente d’afficher un semblant de vie. Même les brumes qui traînent sur les troncs d’arbres et qui enveloppent leurs branches les plus basses comme des voiles blancs de reines veuves, restant là, figées, en suspend.
Soudain un cri, un appel désolé avant le gémissement bas d’une dernière clameur de vie.
En chasse, le froid a frappé une nouvelle fois. Penché sur son corps, les yeux de sa victime le regardent résignée. Un monde entier, inconnaissable, et qui a eu sa vie propre, ses cris, ses voyages et ses mystères, palpite encore dans sa poitrine. Mais pour combien de temps ? Déchirée sa chair, coupée, tordue avant d’être brûlée comme du feu !
Quelque part au-dessus des marais, maintenant durs comme la pierre, un monstrueux diamant en forme de cône s’élève lentement. Le cœur en feu, il monte à la rencontre d’un soleil qui n’éclaire plus : il est midi et il fait nuit.
Une dernière plainte courte, répétée et déchirante…
Elle a crié, un cri strident, cette âme maintenant sans voix ; elle a crié son dernier adieu sur le froid qui l’a abattue.
_____________________
Texte inspiré par la lecture de "l’Auberge" et "Amour" : deux contes de Guy Maupassant.
Pour prolonger... cliquez Auteurs et écriture