Après avoir secoué le monde de la science-fiction avec Alien et Blade Runner, Ridley Scott, grand plasticien de l'image et formaliste avant tout, s'essayait en 1985 au conte de fée avec Legend, oeuvre mésestimée dans sa carrière, et pourtant véritable merveille de composition picturale dotée d'une puissance d'évocation immédiate.
Scott, capable du meilleur (les deux films précités, mais encore Thelma et Louise ou Black hawk down) comme du pire (G.I. Jane, White squall) aime se frotter à tous les genres cinématographiques. Le cinéaste anglais a ainsi abordé la science-fiction, le film historique, le thriller, le péplum, la comédie, le drame, ou encore le film de guerre , avec plus ou moins de réussite. Pas étonnant que Scott fut également attiré par le genre fantastique, et l'un de ses corollaires, le conte.
Ancré dans l'éternelle thématique de la lutte du bien contre le mal, le scénario de Legend se situe dans un monde imaginaire dans lequel elfes, lutins, fées, licornes et humains vivent en parfaite harmonie, cette dernière se voyant menacée par le monstrueux Darkness, maître des ténèbres désirant faire basculer cet univers merveilleux dans la nuit éternelle.
Davantage oeuvre picturale que véritablement scénaristique (le script tient sur un confetti), Legend marque la rétine par ses plans d'une beauté à toute épreuve, plongeant le spectateur dans un univers fantastique convoquant les créatures légendaires qui peuplaient nos livres d'enfants.
Le production design du film, d'une splendeur de chaque instant, laisse éclater les couleurs, magnifie les décors, sublime les costumes et ancre le métrage dans une véritable orgie visuelle dont chaque plan constitue un tableau où l'élégie le dispute au merveilleux. Orfèvre du cadre (parfois au détriment de la narration ou de la direction d'acteurs), Ridley Scott tourna son film intégralement en studio, s'assurant ainsi la maîtrise totale de la composition de ses plans. Le directeur de la photo, Alex Thomson (également chef opérateur sur La forteresse noire ou encore Alien3), put ainsi laisser libre cours à son talent visuel, construisant avec Scott un livre d'images d'une splendeur permanente.
On retrouve au casting de Legend un Tom Cruise encore tout gamin, 1 an avant sa consécration mondiale dans le Top Gun de Tony Scott (frère de Ridley). Son personnage, censé être le héros du film, s'avère finalement et paradoxalement en retrait, écrasé sous le poids de la magnificence des décors et la direction d'acteurs extrêmement paresseuse du cinéaste. Sa performance est également éclipsée par l'excellente composition de Tim Curry en incarnation du Diable, tous sabots dehors. De son côté, la délicieuse et craquante Mia Sara campe une princesse plutôt convaincante, malgré des dialogues doucereux comme de l'eau de rose.
Oeuvre visuelle véritablement ennivrante, Legend, davantage conte de fée filmé que récit d'héroic fantasy, se déguste avec des yeux d'enfants et constitue une plongée dans l'imaginaire des histoires merveilleuses, de celles, à n'en point douter, que l'on racontera encore aux enfants le soir au coin du feu, dans 1 million d'années...