Un magnifique roman autobiographique, Arnaud d’une franchise intransigeante se dévoile. Il se présente ainsi que ses deux parents, un militaire reconverti dans l’industrie et l’intellectuelle ayant renoncé à ses rêves d’actrice pour devenir épouse et mère, et surtout ses deux frères ainés.
Claude, notre narrateur, j’ai sept ans, les joues rondes et un sourire malicieux, un torse qui pointe et des cuisses dodues. Le fouillis de boucles auburn qui se dressent sur ma tête, comme autant de points d’interrogation m’a fait surnommer Clodion le chevelu. Pierre, frère ainé « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église », disait le christ : notre père attend des résultats comparables. Et Philippe, il est difficile de savoir de quel milieu, de quel ordre, de quel pays il vient. Une peau bistre, un regard ombrageux, de larges épaules, des cuisses fuselées, il semble plus égyptien que français, plus oriental que corse. Ironique et orgueilleux, toujours un sourire énigmatique aux lèvres.
Mai 68, époque d’éclosion pour Claude Arnaud : porté par l’électricité ambiante je perds toute timidité, plaisir de ne plus subir les décrets d’en haut, d’échapper à la routine et à l’ennui, de crier sans craindre de sanction. L’énergie élémentaire due à la certitude de vivre un moment unique fait souffler un vent de folie. Il devient tour à tour, Bastien militant trotskyste parisien et plus tard Arnulf le maoïste. À travers lui-même, Arnaud nous raconte le parcours difficile de ses deux frères ainés.
«Pierre en aventurier mental, Philippe en penseur global, moi en Gavroche planant, nous sommes déterminés, chacun de notre façon, à ébranler le monde de notre père, à mesurer notre puissance destructrice. Cela nous mènera-t-il à une seconde Genèse ou au suicide collectif ? Tout vaut mieux que cette société de morts-vivants.»
Un roman absorbant, complexe, qui dévoile une culture très française, très parisienne, très marginale, tant par son écriture que par les thèmes exploités, un vocabulaire recherché, mais un récit combien exaltant, captivant, émouvant jusqu’au bout. Une recherche identitaire autant personnelle que sexuelle. Une autre belle découverte de la rentrée 2010. Je termine avec cette petite turlutaine qui m’a, bien malgré moi, trottée en tête tout au long du roman.
Hé ! Boule de gomme, serais-tu devenu un homme ?