De temps à autre, sur ce blog, je déroge à mes lectures habituelles, SF&F, pour plonger dans d’autres atmosphères. Parfois avec bonheur, parfois moins. Cette fois-ci, c’est avec beaucoup de plaisir que je vais vous parler de “Vice caché” de Thomas Pynchon. L’auteur était complètement inconnu de mes services jusqu’à cette lecture. De francs encouragements de la part de deux ou trois personnes dignes de confiance m’ont suffi pour me lancer. Cela valait nettement le coup. Et je place du coup ce garçon sur ma liste des auteurs “reviens-y-faire-un-tour”.
Un p’tit mot sur la couverture pour commencer (vous savez bien que je ne peux y résister).
Tout d’abord pour vous dire que cette composition de rouge et de vert est une “sur-couverture” (je crois que ça porte un nom, mais là, je ne retrouver plus : si quelqu’un l’a….) plastifiée qui est rabattue sur la couv’ cartonnée. Celle-ci manque singulièrement de cachet. L’illustration psychédélique rend par contre bien hommage au contenu du livre et atteint l’objectif d’une bonne couverture : taper dans l’oeil. Avec en prime cette impression d’avoir à faire à sa blondeur Marylin, forcément, ça fonctionne.
Hollywood 1 :
sachez, chers lecteurs, que si j’en crois le web, ce Vice Caché a été drafté par une maison de production holywoodienne de cinéma. Honnêtement, rien d’étonnant. On a dans ce livre tous les ingrédients :
- beaucoup de monde, ce qui permet de faire un beau casting,
- des filles, de la drogue, du jeu, de l’alcool, des meurtres : tout y est
- ça parle d’hollywood, de la californie, de Végas, du surf et du fbi, etc etc
Non, vraiment, pourquoi le ciné se priverait d’un scénario tout fait. Notez deux points cependant : 1/ que les droits soient rachetés n’est pas le gage de la qualité du bouquin ou du film mais plutôt de l’idée qui en ressort, 2/ qu’en aucun cas cela ne permet d’augurer d’une transposition réussie au Grand Ecran (on connait tous un paquet de bons romans qui ont donné des vides cosmiques au ciné).
Hollywood 2 :
Où enfin, je me décide à vous parler du livre.
Doc Sportello est un détective privé. A Los Angeles, en 1970, cela n’a rien de bien sensationnel, si le gus en question n’était pas des plus atypique pour sa profession. Consommateur et amateur de joints, de marijuana et autres mélanges, Doc n’est pas franchement un référence. Il serait d’ailleurs plutôt une cible pour la police, voire une erreur. C’est en tout cas ce que pense l’inspecteur Bigfoot Bjornsen. Le flic, un peu guindé avec des penchants assez nets pour l’embrouille et les menaces sans voiles, préférerait ne pas avoir à s’occuper de Doc. Du moins, pas autrement qu’en l’inculpant pour trafic de drogues. Le problème, c’est que le détective a des résultats et surtout, avec son air inoffensif et ses méthodes à la “cool”, il obtient de très bons résultats dans la société californienne. Cette belle société qui goûte en cachette mais qui s’offusque officiellement.
l’affaire qui réunit nos deux lascars parait simple : un homme a été tué, un milliardaire, et Doc s’y trouve mêlé pour plusieurs raisons (le simple fait d’avoir été laissé inconscient sur les lieux du crime devrait d’ailleurs motivé la plupart des gens, non ?). Simple ?
Ah bah, non. Trop facile.
Vice caché, c’est une pelote de laine qu’aurait essayé de faire un enfant. cela part dans tous les sens ! Il y a beaucoup de monde dans l’univers du Doc, et l’on est pas sûr que certains ne soient pas que des inventions dues aux abus de psychotropes. Si le lecteur reste a peu près convaincu que l’auteur va l’amener à résoudre l’affaire du meurtre de Myckey (mais si, le riche homme d’affaire), il y a de forts moments de doutes. Il y a un nombre invraisemblable d’affaires qui se télescopent et dans laquelle le détective s’investit (et souvent pour pas un rond) qui pourraient perdre le lectorat qui ne s’accrochera pas. Difficile donc de ne pas vous conseiller de lire ce Pynchon “vite” : je crains que ce soit le genre d’histoire qu’on ne puisse se permettre d’interrompre pour la reprendre plus tard. Trop de petits éléments, de détails, de vrais indices et de fausses pistes noircissent ces pages.
Au niveau du style, c’est excellent.
D’abord dans le rythme, parce que l’auteur conduit son histoire pied au plancher. Même sous fumette, le doc est à fond.
Ensuite, dans l’approche. Pynchon est, de toute évidence, connu pour mettre un paquet d’humour dans ses romans. C’est encore ici le cas, et cela nous ferait presque oublié la gravité des évènements qu’il nous décrit : meurtre, kidnapping, chantage, torture, drogue, etc etc
Enfin, le côté académique : l’auteur fait admirer sa culture et l’usage qu’il en fait. Sans que cela ne soit rébarbatif, Pynchon nous livre des véritables informations sur le contexte de la Californie au début des 70′, les problèmes raciaux, l’empire du jeu, les liens des réseaux mafieux et de la drogue, la politique, l’urbanisation etc.
Ce “vice cachée m’a donc beaucoup plu. Et pour en profiter encore mieux, amusez vous donc à relever au fil de la lecture les références (nombreuses) à la musique et allez donc les écouter. C’est puissant !
Je vous quitte avec l’image de la version américaine : celle-là me plait encore plus !