Sho a des rapports conflictuels avec sa mère. Un jour, ils se disputent fortement et Sho souhaite ne plus jamais revenir, tout comme sa mère. La ville est soudain secouée par une explosion. La mère de Sho sort voir ce qui se passe et découvre avec horreur que l’école a disparu. De son coté, Sho et ses camarades se retrouvent dans un endroit désertique et inhospitalier. Mais que s’est-il passé?
Vieux manga paru dans les années 70, L’Ecole Emportée est un manga choc et m’a souvent fait penser à Dragon Head (que j’avais lu avant).
La première chose dont je vais parler est le dessin. Pourquoi? Mais parce qu’il marque énormément, contribuant un peu au charme du manga, faisant vraiment son âge, particulièrement au début. C’est assez difficile de se mettre dedans mais heureusement, on s’y fait, en partie parce que le dessin s’améliore bien, même si quelques points restent exaspérant par moment. Par exemple, quand les personnages courent, on voit de gros traits qui insistent trop sur le mouvement (chose qu’on ne voit plus aujourd’hui). Bon, très vite, ce point n’est plus que très secondaire car l’histoire nous emporte vraiment dans un autre monde. Les personnages sont assez laids, surtout pour l’expression des émotions, mais le décor est par contre tout à fait saisissant et génialement apocalyptique. Je dirais que ca équilibre bien le tout.
L’histoire tient. Ne vous laissez pas avoir par le coté fantastique du résumé ou même du début car là encore, c’est secondaire. Ce manga est avant tout, et surtout, une critique de l’humanité. Lorsque l’espoir semble disparu, comment réagit-on? A situation désespérée, solution désespérée? C’est un peu ce que tente de montrer L’Ecole Emportée en offrant une multitude de possibilités, sans pour autant se perdre en chemin, à trop vouloir changer d’état d’esprit. La pari était certes risqué mais le résultat est là. Ca fonctionne à merveille. On retrouve ce principe dans Dragon Head. Non, je ne trouve pas la comparaison malheureuse car en plus de traiter d’un sujet sérieux et d’actualité, les deux manga offrent chacun une vision de l’humanité peu flatteuse, tout en créant un décor malheureusement possible et pour le coup, totalement apocalyptique et jouissif.
L’humanité n’est donc pas à l’honneur. On pourrait contester le choix de mettre en scène des enfants de l’école primaire mais la raison est toute simple et surtout judicieuse. Le message passe beaucoup mieux avec des enfants qu’avec des adultes (là encore, on pourrait faire un parallèle avec Dragon Head). Mais ce que j’ai le plus apprécié dans la mise en scène est le huit clos parfait. C’est vrai, le mangaka aurait pu se contenter de faire « voyager » les enfants mais il a choisi l’école comme vaisseau. D’école, le batiment se transforme en vaisseau, puis en prison, puis en cimetière. Et rien à voir avec le fait que les protagonistes soient des enfants. Je pense que nous avons tous vu l’école comme une prison mais aussi comme un lieu heureux où l’on s’amusait avec nos amis. C’est ce paradoxe qui fait de ce lieu un élément capitale dans le scénario car cet endroit que ces enfants côtoient plus de la moitié de leur vie est à la fois un refuge et un enfer. Cela ajoute un poids psychologique non négligeable, comme en témoigne plusieurs scènes. C’est un point d’encrage que l’on veut quitter mais que l’on cherche à retrouver quand tout dérape.
J'aime beaucoup le contraste
De ce point, on peut directement parler des personnages, qui sont intimement liés à la vision que l’on a de l’humanité. Bien plus adultes que des enfants d’école primaire (pour les raisons évoqués au dessus), ils montrent à quel point une personne peut devenir folle devant une situation qui lui échappe totalement. Paradoxalement, ce sont les « vrais » adultes qui pètent un câble en premier, sans même chercher à trouver une solution. Il n’y aura pas de surprises majeures quant à leur réaction: suicide, folie meurtrière, amitié, trahison, dérapage en tout genre, etc…. Sho tire son épingle du jeu car en plus d’avoir un sens des responsabilités incroyables, il fat preuve d’un (trop) grand coeur. On pourrait le qualifier de chef-né, même si certains de ses camarades l’aident bien (genre un docteur en herbe qui fait quand même des prouesses).
L’explication maintenant. Si dans Dragon Head, elle avait quelque chose d’incroyable, ici elle a quelque chose de totalement angoissante. Je vais éviter de trop spoiler mais je dirai simplement que ca n’a rien à voir avec des extraterrestre ou des démons. Tout en apportant une touche fantastique, le mangaka s’est efforcé de rester dans le « réel ». Il est vrai que très vite, il nous met sur la voie par des indices plus ou moins gros et évident. Je dis « angoissante » car elle révèle à quel point l’humanité peut être décadente et inconsciente. Compte tenu de l’année de parution du manga, on peut dire qu’il est en avance sur son temps. Les problèmes qui en découlent sont vraiment d’actualité et offrent surtout un futur encore plus noir que beaucoup d’oeuvres d’anticipation (Roland Emmerich est encore trop trendre ^^).
Le seul bémol se trouve peut-être dans la fin. J’admets que dans la situation, il était difficile de trouver une fin suffisamment bonne pour ne pas plomber ni l’histoire, ni les explications mais tout de même, je trouve que quelque chose cloche. Sans être facile, on a un peu l’impression que l’auteur lui même ne savait pas trop comment conclure son manga et qu’il a balancé une fin, sans en être complètement convaincu. En fait, je trouve qu’elle ne colle pas trop avec le début et le message nostalgique de Sho. Ceux qui l’ont lu verront peut-être de quoi je parle.
Bref, L’Ecole Emportée est un très bon manga, noir, futuriste et pourtant si actuel, où l’humanité est une nouvelle fois décrite de façon négative mais qui s’avérerait surement vraie malheureusement. L’édition de Glénat comporte 6 tomes, épais mais moins larges qu’à l’accoutumée (si, si, ca fait même bizarre ^^). Si vous avez l’occasion, ne passez pas à coté.