Les rotatives ont à peine eu le temps de ralentir suite à l’annonce des dernières candidatures à gauche (Mélenchon suivi de Montebourg suivi de Royal) qu’il faut déjà les relancer pour la candidature suivante, pour l’instant tout ce qu’il y a de plus officieuse : Dominique Strauss-Kahn réfléchit de plus en plus fort à la présidentielle de 2012.
La situation devient un tantinet confuse. On sent poindre la bousculade pour une présidentielle qui reste pourtant à plus d’une année dont tout semble indiquer qu’elle sera mouvementée.
Sur l’aile la moins à gauche des différents partis socialistes français, on sent que les individualités bouillonnantes ne manqueront pas à l’appel dans les mois qui précéderont le scrutin ; mais au moins, jusqu’à présent, aucune n’est sortie du bois. Borloo attend sagement sa place de premier ministre après la déculotté calculée des cantonales de mars prochain. Villepin fait le tour des popottes, sans trop y croire, Copé se retient pour 2017 ou 2022 ou 2097, peu importe, et les autres intriguent en sourdine. Tout ceci reste encore discret.
En revanche, les politiciens officiellement socialistes, voire communistes sans honte, multiplient les actes de bravoure pour monter au feu et se présenter, hardiment, à la présidence d’un pays qu’ils hériteront exsangue et au bord du chaos.
Dernièrement, c’est Ségo qui nous gratifie de ses élans patriotiques : on aura compris qu’elle désire ardemment retrouver un avenir, fut-il celui d’une martyre tombée pour la République, que dis-je, la Fraônce au service de laquelle elle veut se placer, car à un moment, il faut dire les choses, faire ce que l’on dit, dire ce que l’on pense, penser avant d’agir, agir pour avancer, avancer pour partir, partir un jour, sans retour, effacer notre amour sans se retourner ne pas regretter, toubifri et je hem bref.
C’est beau, d’une certaine façon : une partie de ces clowns n’a pas bien compris que le prochain occupant de l’Elysée a de bonnes chance de s’y trouver au moment le plus croustillant de la perte du triple A, de la cessation de paiement et des soubresauts massifs d’une population excédée par le comportement consternant de sa classe politique. Ou peut-être font-ils le pari que les catastrophes seront déjà passées à ce moment là, et misent donc logiquement sur une année 2011 franchement rock’n'roll, instants Kodack, moments Kinder et situations pas toutes kikoolol inclus.
Comme il manquait un peu de confusion, le directeur du FMI (la version multinationale du Monopoly pour les Nuls) s’est donc lancé à son tour dans la réflexion préliminaire nécessaire à la pondération réfléchie d’une éventuelle prise de décision sur sa potentielle candidature à la présidentielle. Il est prudent, le Dom. Il y va tellement précautionneusement qu’il pourrait marcher sur l’eau, à ce compte là.
Miracle qu’on lui demandera d’ailleurs peut-être de réaliser tant le pays semble réclamer un homme providentiel. En attendant, notre Représentant International en Balivernes Keynésiennes « chemine » doucement vers la candidature.
Cheminement qui, bien que discrètement annoncé devant un gros micro mou d’Europe1 par un Fabius excité comme une puce à l’idée qu’on allait parler de lui sur quelques articles de presse, place le Parti Officiellement Socialiste dans une position délicate : Martine Aubry n’a pas encore eu le temps d’encaisser les précédentes candidatures ni même de déposer la sienne.
C’est dommage, quand on y pense : pour des raisons de folklore, il serait en effet difficilement compréhensible qu’elle ne s’ajoute pas à la liste déjà considérable des prétendants, et permette ainsi à son parti de tirer tout le juteux profit d’une multiplication du temps d’antenne dévolu aux candidats de gauche extrême, de gauche verte, de gauche centriste et de gauche corporatiste.
D’autant qu’elle a intérêt à se dépêcher, la Martine : pendant qu’elle dirige adroitement le parti dans une direction claire et qu’elle lui permet de disposer d’un programme cohérent et fortement audible dans l’ensemble de la presse, qu’elle apporte chaque jour son expertise et son analyse tranchante et précise comme une lame en céramique aux questions politiques les plus pointues, … les prétendants officiels fourbissent leurs armes et rassemblent leur troupes : on apprend ainsi que Christiane Taubira soutient Montebourg. C’est important, ce genre de petites nouvelles : la Taubira, il va mieux l’avoir dans ses rangs qu’en cow-girl solitaire dont le dernier fait d’arme aura été de flinguer Jospin à la présidentielle de 2002.
Pour en revenir à DSK, je serais Martine, je ne m’en ferais cependant pas trop. S’il a autant d’intelligence qu’on lui en prête (ce qui tient de la performance), le brave Dominique restera bien sagement à l’écart de tout le cirque politique franchouille. La situation économique française, il doit assez bien la connaître : c’est probablement lui et le bastringue qu’il dirige qui devront mettre le pays sous tutelle lorsqu’il sera en faillite officielle. Et rester patron du FMI sera sans doute plus facile pour Strauss-Kahn que d’avoir à passer devant les électeurs, sans compter l’évident bonus que présente son poste : le pouvoir sans la responsabilité…
Bref : « la machine à gagner« , selon la truculente expression du frétillant teckel moutebourgeois, est en marche et rien ne semble pouvoir l’arrêter.
Tous ces éléments permettent de conserver une bonne confiance dans l’avenir : grâce aux fines stratégies des gros et petits partis politiques français, le pays continuera de s’enfoncer dans la plus totale insouciance des politiciens.