Ça commence dur pourtant. Le lecteur est prisonnier dans le corps d’un homme qui, pour son entourage s’appelle un « légume ». Puisque dans le coma, cet homme, Marc-Antoine a été « placé » dans un institut et se fait déplacer de sa chambre à la salle commune par des bras qui manipulent sans ménagement un paquet de chair et d’os. Plus personne ne vient le visiter, pourtant, ce comateux l’est de l’extérieur, mais pas de l’intérieur. Cette prémisse est à prendre ou à laisser ! Comme il est vif d’esprit et que plus souvent qu’autrement, il fait face à des murs, il jettera son regard par en-dedans, voyant sa vie défiler.
La narration au « je » est certainement habile, je me suis attachée à cet homme. Faut dire que des vaguelettes de révolte montaient en moi devant la rigueur de son présent, ce qui me rendait heureuse d’en sortir, autant que lui j’imagine ! Je m’en suis fait rapidement un ami, heureusement d’ailleurs ! Car, sinon, le récit qu’il donne de sa vie amoureuse aurait pu manquer d’intérêt. J'étais captivée, et de plus en plus, d’autant que la navigation entre le présent et le passé est bien menée.
Le cœur du sujet est l’amour, on s’en doute avec le titre. On apprend à connaître les femmes marquantes de la vie de cet avocat. Ce sont de très beaux portraits de femmes, le regard posé sur elles est extrêmement masculin. L’amour est intimement lié au désir, ce qui me semble, n’est pas systématiquement le cas dans la vie, mais qu’importe, laissons-nous chanter la pomme ! L’angle exploité par Michel Jean est l’attachement lié à l’engagement, qu’il n’y a qu’à ce moment-là qu’on se rencontre soi, sinon, on glisse au-dessus de sa vie, que la pente soit douce ou abrupte.
Comme toute une vie est à raconter sous l’angle de l’amour, les grandes lignes se jettent sur le meilleur du pire, pas le pire du meilleur. Suis-je claire ? Non. Je m’essaie autrement. Une morte par exemple est décrite d’une manière assez lisse, l’effet de la mort sur le narrateur est détaillé par contre. Même chose pour la naissance, on passe rapidement. Ainsi, le propos ne déroge pas de sa trajectoire ; cerner la force que donne l’amour d’un homme pour une femme. Et pour connaître le sens de l'amour, faut-il le perdre ?
Je suis certainement subjective, vous irez vérifier vous-mêmes !, mais j’imagine mal une femme saine et honnête restée insensible au regard amoureux de Marc-Antoine. Le galbe d’un sein est important, on s’entend, mais je n’ai jamais autant entendu de descriptions de sourires de ma vie ! La femme est lumière dans ce roman. Ça fait du bien quand même !
J’ai aimé ma lecture, au SPA Eastman en plus (séjour gagné dans le cadre d’un concours !), c’était l’idéal. Je pense qu’on a besoin de romans qui voguent en toute simplicité sur la vie en y jetant une lumière particulière. On sort de cette lecture apaisée, élevée, et qui sait, prêt à s’engager encore plus loin ?
Une vie à aimer, Michel Jean, Éditions Libre Expression, 220 pages.