- La légende Jesse Owens, ou la portée politique du sport
En août 1936, les XIe JO se déroule à Berlin, capitale d’une Allemagne complètement nazifiée.
Pour le chef de l’Etat nazi, le tristement célèbre Adolf Hitler, ces olympiades seront l’occasion de faire une propagande pour l’Allemagne et une vitrine pour le nazisme en montrant la supériorité de la race aryenne.
Ce qui restera dans les annales, ce ne sera pas la victoire écrasante de l’Allemagne dans ces JO avec un total de 89 médailles, quant le second (les Etats-Unis) n’en gagne que 56 et le troisième, la Hongrie seulement 16. Ce ne sera pas non plus la première dans les JO des compétitions de basketball, handball et canoë-kayak. C’est Jesse Owens qui marquera à jamais cette édition 1936 avec ses quatre médailles d’or.
Jesse Owens (Oakville, 12/09/1913 – Tucson, 31/03/1980) avait déjà battu le record du monde sur 100 mètres en 10s 2 le 20 juin 1936. Il remporte le 3 août 1936 la médaille d’Or sur cette discipline en 10s 3 devant son compatriote Ralph Metcalfe. Le saut en longueur fut une affaire plus corsée. Ayant mordu ses premières tentatives lors des qualifications, Owens doit son salut à….un allemand. Luz Long lui conseille en effet de rallonger un peu sa course d’élan. Owens l’écoute et passe de justesse. Les deux hommes seront alors au coude-à-coude à 7,87 mètres. L’Américain garde son sang-froid et parvient à 7,94 mètres puis 8,06 mètres lors de ses deux dernières tentatives. Commencera une amitié entre les deux athlètes et Long recevra à titre posthume la médaille Pierre de Coubertin, qui récompense les athlètes ayant fait preuve d’un réel esprit sportif durant l’épreuve. Et donner des conseils à son adversaire direct et lui serrer la main pour le féliciter de sa victoire sous les yeux du Führer, mérite bien une décoration!
Luz Long, caporal dans la Wehrmacht décèdera en 1943 lors du débarquement allié en Sicile. Dans sa dernière lettre au champion américain il écrira : »J’ai la sensation que celle-ci sera ma dernière lettre, donc quand tu retourneras en Allemagne, une fois la guerre finie, va voir mon fils et dis-lui qui était son père, je t’en prie, Jesse, raconte-lui comment deux hommes, sur cette terre, peuvent être amis ».
Voici donc Owens raflant déjà deux médailles d’or. Il récidive sur le 200 mètres avec une victoire facile en 20s 7 et quatre dixièmes d’avance sur le second, un autre Américain. Il faudra attendre 1951 pour que le temps soit battu et 2008 pour voir Usain Bolt remporter avec un écart plus conséquent (soixante-six centièmes d’avance). En ce qui concerne la quatrième médaille, celle remportée au relais 4 fois 100 mètres, il y a une histoire derrière. Jesse Owens et Ralph Metcalfe initialement non-prévus pour l’épreuve ont remplacé Sam Stoller et Marty Glickman, Juifs tous les deux. Était-ce pour complaire le régime nazi ? Cette thèse a été écartée car remplacer deux Juifs par deux Noirs n’était pas plus complaisant. Toujours est-il qu’Owens creuse l’écart dès le départ en mettant Italiens et Allemands à cinq mètres!!! Ralph Metcalfe, Foy Draper et Frank Wykoff géreront tranquillement la fin de la course pour finir en 39s 8 devant l’Italie (41s 1) et l’Allemagne (41s 2).
Il faudra attendre Carl Lewis en 1984 pour voir la réédition d’un tel exploit sur les mêmes épreuves, dans un contexte différent bien évidemment. Jesse Owens mettra fin à la rumeur qui voulait que Hitler ait refusé de lui serrer la main, en déclarant de façon polémique : « Hitler ne m’a pas snobé; c’est Roosevelt qui m’a snobé », arguant que le Führer lui aurait fait un signe de la main.