19ème jour de mon Calendrier de l'Avent. Ca sent Noël. Justement, il me revient comme une vague tardive, régressive, un souvenir d'enfance.
C'est pourquoi l'image du jour est une affiche de film, assez ridicule, je l'admets (mais c'est l'Esprit de Noël qui m'inspire, alors le ridicule est admis). C'est un film peu connu de Marcel Carné, Le Pays d'où je viens. C'est avec Gilbert Bécaud, alors jeune chanteur compositeur qui, avec Charles Aznavour, essayait de mettre un peu de "jeune" dans une chanson française en danger de nécrose alarmant. C'était aussi avec Françoise Arnoul qui était (avec Dany Carel, que tout le monde a oublié, but me) la jeune actrice sexy d'un cinéma français en danger de nécrose alarmant (mais les Street fighting men de la Nouvelle Vague allaient balayer tout ça). C'était aussi avec Claude Brasseur, Marcel Bozzufi et Annie girardot.
En y réflechissant, cette affiche est absolument ridicule. Mais bon.
Il y a dans ce film de Noël un désordre charmant, entre bluette très sentimentale, aventures approximatives, magie noëlienne, humour gentil, comédie musicale à la française (oui, ça, c'est de l'utopie, ça le restera jusqu'à Demy et le redeviendra ensuite). Bécaud y interprète deux rôles, un jeune prof de piano fauché et timide, secrètement amoureux de Marinette (la belle Françoise) et un (aussi) jeune flambeur play-boy désinhibé, au coup de poing facile, en rupture de liens avec sa famille de banquiers, ayant les sbires de son richissime oncle aux fesses. La ressemblance physique entre deux personnages aussi différents est l'occasion de quiproquos, de coqs à l'âne et de portes qui claquent tout à fait réjouissants. Tout ça se finira bien, dans l'amour remis en ordre (les deux rôles de Bécaud avaient compliqué l'harmonisation des sentiments), le bonheur des tourtereaux qui fleure déjà bon les dîners en famille et un fondu au noir final sur le "jumeau" faiseur de rêves qui échappe une dernière fois à ses poursuivants.
C'était l'époque où ma sœur m'offrait, le jeudi après-midi, le cinéma permanent à Paris (nous habitions la banlieue). Et c'était une superposition de bonheurs majuscules d'être dans une grande salle parisienne, devant un grand écran, de se goinfrer d'esquimaux au froid délicieux, d'être ensemble (tranquilles, du moins l'imaginais-je, car à certains moments, quand j'étais avec ma sœur, je n'avais besoin de rien d'autre) et de rester pour une seconde séance, bien entendu plus dense en émotions et en plaisirs que la première, car c'était ça, le bonheur du cinéma permanent, dont parle Boris vian dans une chanson.
Ce souvenir reste vif, d'un moment de plaisir partagé. Je ne suis pas sûr que Le pays d'où je viens méritait une chronique. Dans ma mémoire, ce conte de Noël est sans doute magnifié par le moment à deux auquel il est associé. Je lui reste fidèle. La qualité du film de Noël importe peu, elle se fond peu à peu dans un moment et ce confond avec le plaisir éprouvé et on ne sait plus ce qui vient du film ou ce qui vient du partage devant le film.
Il y a comme ça des moments privilégiés dont le souvenir vaut le détour.
Pour illustrer cet événement noëlien, je ne vous infligerai pas un extrait musical de la BO du film ci-dessus. J'ai choisi l'album Christmas songs de Diana Krall (2005) enregistré avec The Clayton / Hamilton Orchestra, le meilleur big band qu'on puisse écouter ces temps-ci (John Clayton a quand même écrit les arrangements de Count Basie et Duke Ellington), que j'écoute régulièrement depuis sa sortie, il y a cinq Noëls. Récemment, j'ai (re)découvert ce titre qui, peut-être moins immédiatement scintillant que d'autres (Jingle Bells, Let it snow, Santa Claus is coming to town...), ne m'avait pas dévoilé toute sa beauté. C'est chose faite, le voici donc. Let's be Home for Christmas.
Pour écouter les autres Christmas songs de Diana grâce à M. Deezer, c'est ICI.
Bon courage pour l'achat de vos cadeaux. Et que l'Esprit de Noël soit avec vous.