Ainsi donc, Laurent Gbagbo a choisi la voie radicale.
C'était prévisible à partir du moment où il ne reconnaissait pas les résultats du scrutin. Quelques remarques :
1/ Au fond, il a cru à sa propre propagande. Il y a une sorte de belle morale : les menteurs sont toujours piégés, et même les plus malins sont dupés, en dernier ressort par eux-mêmes. Après avoir tergiversé pendant cinq ans, LG s'est laissé aller à l'élection, persuadé de la remporter. Perdu.
2/ Il choisit la voie de affrontement, pariant sur deux choses : la maîtrise des deux points clefs ivoiriens que sont Abidjan et la boucle du cacao, à l'ouest ; et la faiblesse de caractère d'A. Ouattara.
3/ Pourtant, il a omis plusieurs facteurs dans le jeu. Tout d'abord, il a perdu la légitimité, au point que même l'Union africaine le somme de se démettre (c'est d'ailleurs parce qu'il en a conscience qu'il a choisi d'aller jusqu'au bout). Ensuite, il ne maîtrise plus toute la moitié sud du pays, comme en 2002. En fait, les nordistes ont étendus leur maîtrise territoriale au centre du pays grâce au ralliement de Konan Bédié. Autrement dit, LG ne peut plus agiter efficacement la fracture chrétiens contre musulmans. En cela, la faiblesse de Ouattara est une force : il n'apparaît pas comme un musulman dominateur, mais comme un conciliateur qui réunit. Gbagbo au contraire est celui qui divise.
4/ D'ailleurs, il n'a pas (encore) agité les mots d'ivoirité, ni de Françafrique : il se concentre sur l'ONU, symbole de "l'étranger" : mais ce déplacement sémantique illustre sa propre faiblesse, car qui attaque sérieusement l'ONU aujourd'hui ? là encore, la faiblesse de la cible montre l'inanité de l'attaque. Symboliquement, Gbagbo s'enferre. Ouattara n'est pas l'agent de l'étranger, il a le soutien de la communauté internationale et africaine. C'est plus qu'une nuance.
5/ Peu de soutiens extérieurs, un territoire réduit, des sanctions qui vont faire mal, un opposant présent et élu, disposant de plus du soutien de la communauté internationale mais aussi de troupes installées et de possibilités de renfort....
6/ Gbagbo n'a donc d'autres choix que de presser le pas, de commettre l'irréparable, de monter le plus rapidement possible aux extrêmes en usant et abusant de la violence. Mais il dispose de bien peu de soutiens pour que son coup de force puisse durer.
7/ La seule faiblesse de Ouattara est que tout repose sur sa personne, et qu'il est fort isolé, et peu protégé, dans son hôtel. Ouattara est le centre de gravité de son camp. La maîtrise d'Abidjan et la continuité avec l'ouest du pays est le centre de gravité du camp Gbagbo.
8/ SI le jeu dure, c'est-à- dire si Ouattara réussit à prolonger l'affrontement au plus bas niveau de violence possible, alors il gagnera.
O. Kempf