« On ne réconciliera les Français avec la politique que si les hommes politiques sont irréprochables.
Irréprochables dans leur comportement personnel.
Irréprochables dans leur comportement politique. ».
[Nicolas Sarkozy – Discours au Futuroscope de Poitiers – 26 janvier 2007]
Or donc, pour la seconde fois en six mois, M. Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration, a été condamné par la justice.
La première fois, le vendredi 4 juin 2010, pour « injure non publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine, en l’espèce les personnes d’origine arabe, le 5 septembre 2009 » ; la seconde, le vendredi 17 décembre 2010, pour « atteinte à la présomption d’innocence » (de David Sénat).
Dans tout pays dit démocratique, et quand bien même M. Brice Hortefeux ferait-il appel de ces condamnations, qu'il aurait dû remettre au Premier ministre sa démission. En d’autres termes, M. Brice Hortefeux ne devrait plus être au gouvernement depuis le 5 juin dernier.
D’autant plus quand l’homme qu’a été élu le 6 mai 2007 par le peuple français a promis maintes fois qu’avec lui, vous verrez, probité, honnêteté et morale, seront les trois mamelles de son quinquennat, même qu’il ne transigerait pas, ah ça non ! finis les petits arrangements d’antan, les connivences, les amitiés, le fait de prince, ce qui s’applique au citoyen lambda devra s’appliquer dorénavant aux ministres de la République ; et pourquoi ? Parce que c’est ainsi que l’on réconciliera « les Français avec la politique » !
Voilà la rupture ! Entre ici « La France d’Après », celle des « braves et honnêtes gens », voici venue l’ère des Irréprochables !
Ça avait de l’allure, n’est-ce pas, ça portait beau et fier. Et puis, quel bel argument ! Parce que, voyez-vous, si jamais moult promesses devaient se heurter à la réalité économique, qu’il nous serait demandé des sacrifices, comment aurions-nous pu les refuser, puisque expliqués, disséqués, pédagogés, par des honnêtes gens, des Irréprochables ? C’eut été se montrer fort ingrats, teigneux, indécrottables.
Las, ce n’était donc que paroles, fumée et autres attrape-couillons ! De la vaseline, de l’entubage, du troufignolage. Et j’en vois qui rigolent, se frottent les paluches, engrangent des voix potentielles, pas à pas, tranquillement ; j’en vois qui vont tirer profit, et comment, de cette traîtrise de plus, de ce mensonge de trop, d’autant plus qu’ils se vantent, eux, d’être vertueux, et du côté de la Loi ; oui, bien sûr, qui d’autre que le Front National pourrait se repaître de cette non-rupture ? Croyez-vous qu’il va se gêner ?
Oui, je sais, Jean-Marie Le Pen, les tribunaux, c’est sa seconde tribune. On l’y a vu plus d’une fois. Et pas pour du « détail », non ! mais du lourd, de l’outrance, du « à vomir », de la saloperie ! et ne me parlez pas de son verbe, celui qu’on vante à son sujet, c’est de l’ampoulé, de l’académique, ça pue le dictionnaire, le bachot ! c’est de l’épate, du rien ... Le socle politique étant devenu si médiocre, il n’était point difficile de se faire passer pour littéraire ... Littéraire mon cul ! Idem pour François Mitterrand !
Mais y’a plus de Jean-Marie Le Pen, fini ! Désormais c’est Marine, dont on s’aperçoit, comme c’est cocasse, que c’est bien la fille de son père ! Evidemment, qu’elle l’est. Depuis le début, depuis toujours. Et dans les grandes largeurs. La dédiabolisation – pure invention des journalistes – c’est du flan.
Bref, si l’on voulait renflouer l’électorat du Front National, on ne s’y prendrait pas autrement. C’en est même suspect. Eminemment.
Et devinez quoi ?
Le Président de la République Irréprochable, à en croire Le Figaro, il est « content » ; pis : « il s’amuse du désordre du camp d’en face » qui règnerait, royal, chez les socialistes ... Il ferait mieux de se préoccuper de l’ordre qui monte. Mais pensez-vous ! Tellement « Il est convaincu d’avoir fait le bon choix (…) en embarquant Alain Juppé » dans le gouvernement « qui, sinon, aurait été vexé comme un pou ».
Voilà où qu’on est rendu ! C’est miséreux ..
... Alain Juppé .. Condamné à quatorze mois de prison avec sursis et un an d’inéligibilité, le 1er décembre 2004, par la Cour d’Appel de Versailles pour « abus de confiance, recel d’abus sociaux, et prise illégale d’intérêt » dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Comme Irréprochable, on fait mieux ... D’autant plus si on ajoute, qu’en première instance, le 30 janvier 2004, le tribunal correctionnel de Nanterre avait estimé que cet homme, Alain Juppé « investi d’un mandat électif public (avait) trompé la confiance du peuple souverain » (il était alors condamné à 18 mois de prison avec sursis et dix ans d’inéligibilité).
Et alors, me dira-t-on, il a payé ! Et cher ! Et n’a-t-on pas vu par le passé autres condamnations à gauche et autres improbables retours ? Et la seconde chance, qu’en faites-vous ? La seconde chance, quand on a « trompé la confiance du peuple souverain » en tant qu’élu de la Nation ? Dans une République Irréprochable, ça n’existe pas.
Et les condamnations de jadis, celles des adversaires, on n’en fait pas état. Puisqu’il y a rupture. Puisqu’on se présente et s’affirme comme le héraut d’une ère politique nouvelle ! Trahir cette promesse, c’est se discréditer, perdre son autorité.
« Comment les hommes politiques pourraient-ils avoir une autorité s'ils ne donnent pas l'exemple ? S'ils ne sont pas irréprochables ? »
[Nicolas Sarkozy – Discours à Perpignan – 23 février 2007]
Oh ! bien sûr, il y a le peuple. C’est à lui que Nicolas Sarkozy doit penser. Ce sans-mémoire. Ce peuple qui crie au « tous pourris » mais une fois les élections venues, leur apporte tous les suffrages ! ... Ainsi Juppé, quand il vint se représenter le dimanche 8 octobre 2006 à la mairie de Bordeaux ! Réélu avec 55,24% des suffrages exprimés. Cette municipale anticipée n’avait certes pas passionné les électeurs, abstentionnistes (qu’ont bien tort, comme souvent) à hauteur de 55,18%, mais le fait est qu’il a retrouvé « la confiance du bordelais souverain » qu’il avait pourtant bel et bien trompé. Bon peuple ! Bon veau !
Aussi Balkany ! Condamné (en mai 1996, puis en janvier 1997) pour les mêmes motifs, réélu par les « braves gens » de Levallois-Perret en 2001. Election invalidée par le Conseil d’Etat ! Peu importe, on en refait une, et zou, rebelote, élu les doigts dans le nez. Et dans la foulée, il retrouve un siège à l’Assemblée nationale !
Et Dassault ! Et tant d’autres. Voilà qui doit ravir l’homme de l’Elysée. L’Irréprochabilité, c’est le peuple qu’en décide, doit-il se dire. Et comme le peuple est veau, qu’il populise au bistrot mais se parjure dans l’urne, au fond, pourquoi ne pas continuer comme avant ! On lui donnera à becqueter de la sécurité, de l’identité nationale, au peuple bêlant, vinassé, lobotomisé par la télé, abruti de réseaux sociaux, bref que des tartignolleries qui n’engagent à rien, et voilà. Ni vu, ni battu.
Eh bien, faites messire ! Oubliez donc votre République Irréprochable ... mais ne l’aviez-vous pas oubliée dès votre élection en nommant, le 18 mai 2007, via votre collaborateur de Matignon, Alain Juppé au ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables, puis en maintenant André Santini, secrétaire d’Etat chargé de la Fonction Publique auprès du ministre du Budget alors qu’il était mis en examen pour « détournement de fonds publics, faux et prise illégale d’intérêt » ?
Entre autres ..
Cette faillite de l’Irréprochable, ce manquement, cette trahison, fera les affaires du Front National. Ce faux-vertueux, ce défenseur d’une idée morte, la Nation, ce parti bourgeois qui n’a que faire des souffrances du peuple, mais capitalise dessus, à grands coups d’équations putassières, d’arguments démagogiques, de propositions farfelues, inapplicables ; ce va-t-en-guerre, misant à n'en plus gerber sur la misère intellectuelle, la déliquescence des esprits, la pauvreté du débat politique, et l’inconséquence du paysage médiatique.
Mais au fond, et tout bien pesé, quelle importance, n’est-ce pas ? Puisque c’est râpé, fini, résolu, on y va droit, au chaos (mondial). Alors tant qu’à liquider le peu qu’il restait, liquidez-donc, votre altesse ! De toute évidence ce n’est pas la dignité qui vous étouffe, ni même la morale ! oui, la morale ! Vous en parliez, si je ne m’abuse ! ... Et de vouloir l’injecter dans le capitalisme (foutaises ! C’est évidemment impossible !) comme dans le bipède politique (mais vous y avez renoncé) ... Sans doute pariez-vous sur la stature, les épaules, le paraître : Vous, DSK, ma foi, ça ne peut pas ne pas passer un premier tour ! c’est du solide, ça envoie le bois ... Vous vous trompez. Et qu’on ne me parle pas d'un « 21 avril à l’envers ». C’est du charabia. De la prose misérable de journaliste. Du reste, le peuple s’en moque de vos « à l’envers ». Il n’a pas de mémoire.
Vous aviez là, l’occasion, et pas qu’une fois, trois, voire quatre, de démontrer, à défaut d’autre chose, que vous incarniez, avec autorité, une rupture. Ne l’honorant pas, par Hortefeux, Juppé, Santini, etc., donc « en trompant la confiance du peuple souverain » vous donnez de la voile, comme jamais, au Front National. Dont on dit, je sais, qu’il ne passera pas, c’est pas envisageable, comme en 2002, vous verrez, il y aura un sursaut, dit Républicain. Penser ainsi, c’est oublier que huit années (une éternité) ont passé. Les données ne sont plus les mêmes … Or donc, une « dérive » est possible.
Et de cette « dérive » vous en serez, en grande partie, responsable.
« On ne fait dignement de la politique que pour servir. Oui, je crois profondément comme Georges Pompidou que le peuple ne devrait avoir devant lui que des hommes politiques sincères et humains. La crise de la politique serait alors résolue. Pour atteindre ce but, il faut juste un peu de morale. Un peu de morale que tous les hommes politiques s'appliqueraient à eux-mêmes avant de faire la leçon aux autres. Un peu de morale qui consisterait à s'appliquer à soi-même les règles de comportement que l'on voudrait voir appliquer par les autres. La dignité de la politique, le respect qu'elle devrait inspirer, la confiance dont elle a besoin ont été ébranlés parce que pendant trop longtemps, à gauche comme à droite, beaucoup de responsables politiques ont pris la détestable habitude de prôner pour les autres des sacrifices qu'ils étaient absolument incapables de s'imposer à eux-mêmes. Parce qu'ils ont pris la détestable habitude d'imposer aux autres des obligations qu'ils ne s'imposaient pas à eux-mêmes. Je ne veux faire la leçon à personne. Mais je veux rompre avec cette dérive qui n'est pas seulement une dérive de la politique. » .
[Nicolas Sarkozy – Discours à Clermont-Ferrand – 27 avril 2007]