Une étoile peule de la Normandie par Safi Ba

Publié le 18 décembre 2010 par Bababe

En attendant une autre photo... 

Le hasard a voulu que le jour de l’ouverture du Festival Mondial des Arts Nègres à Dakar coïncide  avec une journée culturelle africaine à Cléon (en Normandie) en présence de son maire adjoint.

L’écho des voix de Baaba Maal et de Youssou Ndour dans la capitale sénégalaise a rejoint la voix de Mamadou Dem dans ce petit Fuuta de Normandie quand il se mit à chanter  « Afrique bandam… ». Même si cette ambiance festive au pays de la téranga a dû être un peu ternie par la tension qui règne au pays de la Côte où ceux qui ont l’ivoire pour défense sont en voie d’extermination.

 Retournons à Cléon où, en sa qualité de présidente d’une association culturelle, une femme peule, D. Dem,  fut distinguée.

Est-ce étonnant que cet honneur revienne à  l’adolescente de l’Allée du Centenaire, qui, par ses capacités d’adaptation,  a  encore dû se fondre dans cette région où elle vit depuis bientôt trois décennies.

Quelques personnes  doivent encore se souvenir du premier séjour de cette njudu jeeri (citadine) si différente des autres, quand son père, un policier à la retraite,  quitta  Dakar, la ville où il avait toujours servi pour retourner vivre définitivement dans son village natal.

Jeune adolescente, D.Dem étonna les petites villageoises de son âge et beaucoup d’autres par sa faculté d’adaptation : elle se comportait comme si elle avait toujours vécu avec eux alors qu’elle n’avait jamais quitté la ville.

Elle les conquit quand elle se mit à piler le mil et  à entonner des chansons traditionnelles jusqu’à dépasser certaines des villageoises.

Elle les surprit quand elle se joignit à ses petites camarades  pour aller ramasser du bois dans la brousse. Même si elle les fit rigoler, quand, ne parvenant pas à porter son lourd fagot sur la tête, elle se débarrassa des bois et leur dit de lui  laisser juste rapporter à la maison la corde qui avait servi à attacher son fagot.

Pourtant, dans cette mésaventure,  ni le risque  de marcher sur  des scorpions ou des serpents,  ni la crainte de croiser une hyène,  ni le désagrément d’être envahie et piquée  par des kebbé  (épineux), ne l’avaient  dissuadée.

Son aisance et sa faculté d’adaptation avaient irrité les autres njudu jeeri car dans leur esprit, se mettre au même niveau  que « ces paysannes», descendait le statut des plus snobs d’entre elles.  ET Aller jusqu’à se confondre avec les villageoises, comme DDem, les indignait carrément.

Habituées à trottiner avec leurs padé coquette (chaussures hauts talons) sur le goudron des villes, ces citadines en étaient encore à hésiter de marcher sur le sol. Elles redoutaient l’obscurité de la nuit, poussaient des cris aigues à chaque fois qu’elles entrevoyaient une couleuvre à la recherche de poussins ou un margouillat en quête d’ombre.

Même s’il est vrai,  quand,  terrassées par le paludisme, elles acceptaient docilement qu’on accroche à leur collier ou chaîne un morceau de pattes ou de peau d'un chacal, ce remède de grand-mère.

C’est en comparant l’attitude de ces citadines avec celle de DDem  qu’une vieille du village dit de cette dernière : « o noone ko hoodéré ». (celle-là c’est une étoile).

 

Pour cette journée  de la culture africaine à Cléon, DDem  fut secondée par des femmes du Fuuta , du village de La Colline de Mbaara à celui de L’orée de Fonndé en passant par Sanngé loobalé ,  Doondu …, qui se parèrent de leurs authentiques habits et bijoux traditionnels.

S’agissant de la culture peule, ce fut  une chance de retrouver sur ces terres  de vaches,  F.Oumar Sall qui maitrise à la perfection  les traditions et les coutumes. Elle qui regrette de ne pas être allée à l’école française, sait-elle seulement qu’à elle seule, elle est une école, par sa parfaite connaissance de la langue  et du asko (généolagie).

Ce qui fait d’elle une de ces gardiennes du patrimoine culturel peul, cher à  Cheikh Hamidou Kane*. L’auteur de l’Aventure ambiguë  rappelait  il y a quelques jours sur les ondes d' une radio internationale l’importance de ce patrimoine.

Quand quelqu’un interpella  cette fille dont le défunt père fut un grand commerçant qui possédait aussi plusieurs « bâtons » de  kolccé (vaches), avec cette adage :  « laddé anndaa bi mojjo », (l’ailleurs ne connaît pas le fils d’un bien-né), elle lui fit spontanément cette réponse : « yoo bii mojjo anndu hooré mum, anndina »: (c’est par son comportement et ses actes que le bee mojjo confirmera ou infirmera cette parole).

Si on peut comprendre que le maire, représentant de la République dont la devise est Liberté, Egalité, Fraternité n’adhère pas au laddé andaa bi mojjo, rien ne s’oppose à ce qu’il se retrouve dans « yoo bii mojjo anndu hooré mum, anndina ».

Safi Ba

 (Merci pour les corrections de Doyen)