Ces dernières semaines, le monde a été submergé par les milliers, voire les dizaines de milliers, de documents secrets émanant des services diplomatiques américains à travers le monde, que le site WIKILEAKS a mis en ligne.
Beaucoup y ont voulu voir la vérité ultime enfin révélée, cette vérité qui mettrait à genoux les grands qui dirigent la planète.
D’autres y ont trouvé matière à conforter leur propre point de vue sur les dirigeants ou la politique de tel ou tel pays.
Certains ont cru y découvrir les mains qui tirent les ficelles secrètes et invisibles de la diplomatie régionale ou mondiale.
Mais le commun des mortels n’y a pas rencontré grande matière à assouvir sa curiosité, puisque une partie des documents dévoilés n’ont rien apporté de bien nouveau.
Pour le consommateur d’informations de base que je suis, cette avalanche de renseignements, même triés et sélectionnés parfois de façon tendancieuse, n’a pas été d’un grand intérêt.
Pourtant le phénomène « WIKILEAKS » doit être pris en compte dans le traitement de l’information. Il faut cependant que ce soit avec une certaine dose de circonspection et une capacité avérée de critique.
D’ailleurs, DER SPIGEL, l’un des périodiques européens à avoir accès aux câbles diplomatiques envoyés par les ambassades américaines du monde entier entre 2004 et 2010, ne cache pas sa prudence dans l’exploitation de ces documents. «LE PARISIEN » dans son édition du 29 novembre dernier signale que Der Spigel « ne sait ni dans quelles circonstances l’informateur de WikiLeaks a pu les copier, ni si les documents représentent toute la production ou s’il s’agit d’une sélection de documents opérée selon des critères que l’on ignore».
Toujours selon cette même source, la publication germanique signale que « si les dépêches diplomatiques sont compréhensibles par tous, car elles ne sont généralement pas rédigées dans l’urgence, leur exactitude reste incertaine. Les auteurs n’hésitent pas à rapporter le moindre ragot ou bruit de couloir dans ces dépêches, rédigées dans l’idée qu’elles ne seront pas rendues publiques avant 25 ans ».
A la lecture de ces commentaires émis par l’une des publications qui a bénéficié de la primeur des révélations de Wikileaks, il ne persiste pas de doute que le lecteur lambda doit être encore plus réservé quant à l’accueil à donner à ces informations.
Même les lecteurs de LE MONDE, autre publication impliquée dans la diffusion de ces fuites, mettent un bémol à leur importance. Dans un billet du 9 démbre2010 signée Bruno VOYER, abonné au quotidien parisien du soir, on peut lire :
« Ce qui est, à coup sûr, flagrant, dans toutes ces informations, est le caractère plutôt banal et peu stratégique des documents et déclarations. Rien de bien tonitruant dans ces notes secrètes qui puisse mettre en péril le monde ou qui puisse entrainer un conflit ou des tensions fortes. »
En remontant un peu dans le temps, on trouve que le même site WIKILEAKS a déjà provoqué la polémique en publiant des documents relatifs à l’affaire DUTROUX qui avait défrayé la chronique en Belgique, il y a quelques années.
On peut trouver sur le site « 01NET.COM » et sous la signature d’Arnaud DEVILLARD une information concernant « la mise en ligne par WIKILEAKS du résumé d’auditions du pédophile belge arrêté en 1996, jugé en 2004 et condamné à la prison à perpétuité. Ce document, qui compte 1 235 pages, fait partie du dossier constitué en 2005 avant d’être transmis au juge d’instruction ».
La publication de ces informations a posé des problèmes éthiques et juridiques, puisqu’elles contenaient des données personnelles (noms, numéros de téléphones, adresses, relevés bancaires) ainsi que de détails de l’enquête et des témoignages. Le procureur belge, toujours selon l’article précité, estime qu’il s’agit en l’occurrence « d’une publication malheureuse, parce que les documents publiés viennent d’un dossier qui est toujours couvert par le secret d’instruction ».
Est-ce à dire qu’il faut rejeter cet apport d’informations que nous offre le système WIKILEAKS ?
Sûrement pas ; et surtout pas en cette période où l’information a vocation à être instantanée et à devenir disponible pour tous.
Jean-Marc Vittori, dans un article publié par « LES ECHOS » du 14 décembre dernier analyse ce phénomène WIKILEAKS comme étant «le signe pathologique d’un changement majeur : l’avènement de la société de l’hyperinformation ».
Il s’interroge sur les conséquences que peut entrainer la fuite d’une masse énorme de documents supposés rester secrets. La question se complique dès lors que les informations qui peuvent fuiter concernent des données privées et l’usage que l’on pourrait en faire.
Si les révélations contenues dans les documents secrets fuités par WIKILEAKS semblent faire le bonheur de beaucoup d’internautes, après avoir permis aux journaux-papier de booster leurs ventes pendant une courte période, il faut bien reconnaitre que dans le monde des professionnels de l’information, les réactions sont plus mesurées.
La presse française, à de rares exceptions, a été très critique face à cette avalanche de données et à la méthode utilisée pour leur diffusion. A titre d’exemple, pour le quotidien catholique LA CROIX « la transparence absolue est un leurre ». LIBERATION estime de son coté que « un état (…) a le droit de conserver ses secrets de défense, de discuter avec ses alliés ou ses adversaires dans la discrétion ».
Pour sa part, « REPORTERS SANS FRONTIERES », ardent défenseur de Wikileaks par ailleurs, a dénoncé « l’incroyable irresponsabilité de Wikileaks » lors de la révélation des documents sur la guerre en Afghanistan, parce qu’elle donnait les noms de civils afghans qui collaboraient avec les alliés dans la lutte anti-talibans, les mettant ainsi directement en danger.
AMNESTY INTERNATIONAL, ainsi que d’autres O.N.G. basés en Afghanistan, ont retrenu exactement le même grief à l’encontre Wikileaks.
Dans « LE COURRIER INTERNATIONAL » du 9 décembre 2010, Frédéric Koller signe un article intitulé « La presse à l’épreuve de Wikileaks » dans lequel il met en garde les journalistes face à « cette mine de renseignements » et au temps nécessaire pour leur analyse responsable.
Enfin, le blogueur Olivier Cimelière, hébergé par Médiapart que l’on ne peut soupçonner demanque de zèle dans l’investigation journalistique, pose la question suivante : «Wikileaks, renaissance du journalisme ou imposture médiatique?»
Au bout du compte, et après une courte période d’agitation et de flottement, que peut-on retenir de la méthode WikiLeaks ?
Hilary Clinton la secrétaire d’état américaine, s’est tirée de la situation relativement embarrassante dans laquelle elle se trouvait lors du dernier sommet de l’OSCE au Kazakhstan, en jonglant avec les mots : elle a déclaré que « les télégrammes mis en cause viennent du terrain et ne représentent pas forcément le point de vue des Etats-Unis ».
Affaire classée donc ?
Rien n’est moins sûr, mais le flot d’informations déversées par WikiLeaks, ces fameuses « fuites », semble s’être tari, depuis le mois d’août dernier, de façon aussi inexplicable qu’il s’est déclenché.
Y aura-t-il résurgence de cette source ? Y aura-t-il d’autres nouvelles sources ? L’avenir nous le dira!
En tout cas, l’expérience Wikileaks aura marqué le point d’inflexion d’un monde où l’information ne connaîtra plus jamais la même rétention de la part de ceux qui la détiennent.
Aux dirigeants politiques de tous les pays d’en prendre acte et de réagir en conséquence !