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Les Concerts Brodsky

Publié le 28 octobre 2010 par Europeanculturalnews
Les Concerts Brodsky

Brodsky (c) Kurt Van der Elst


C’est la première soirée froide d’automne à Strasbourg. On aimerait être au chaud, se sentir à l’abri, entouré par des amis ou sa famille. Plus rien ne rappelle la chaleur de l’été, les journées et les nuits que l’on pouvait passer dehors et cette espèce de légèreté que nous éprouvions tous. Mais cette soirée est la soirée idéale pour ce que les deux artistes belges Dirk Roofthofft et Kris Defoort réservent à leur public au Maillon.

«Les concerts Brodsky» est une soirée entièrement dédiée à l’écrivain exilé russe Joseph Brodsky. Les poèmes du prix Nobel de littérateur ne sont pas faciles, mais ils sont parfaits pour une soirée automnale glaciale. Amour, solitude, mort et vieillesse sont les thèmes dominants. Kris Defoort les accompagne au piano, au grès des ambiances. L’acteur Dirk Roofthofft qui colle de près au texte se met dès le début dans la peau de Brodsky. Il raconte un souvenir d’enfant: le retour de son père qui était capitaine. Après un long voyage en Chine, le père de Brodsky avait rapporté un grand paquet plein de cadeaux. L’enfant d’une dizaine d’années se souvient du déballage des babioles chinoises et il se souvient aussi qu’un collègue de son père lui avait adressé un clin d’œil qu’il était incapable de comprendre. Mais ce clin d’œil est resté gravé dans sa mémoire. Comme un signe, un geste, une sorte de preuve du sens de la vie à travers le temps que l’on ne peut déchiffrer mais qui reste.

Les poèmes de Brodsky vivent de leur originalité et de l’instantanéité de la langue, restitués par Roofthofft dans toutes leurs facettes. Tout ce que Brodsky a éprouvé et écrit, Roofthofft l’exprime avec sa musique qui peut être enchanteresse et douce, comme un petit enfant qui observe le vol d’un papillon, colérique et sauvage, tenant tête à la mort et au déclin ou alors, silencieuse et mélancolique pour illustrer le temps qui file entre nos doigts, comme les grains de sable que nous essayons à retenir. Toutes ces sensations débordent littéralement de la scène et enchantent le public. Remplir un verre d’eau devient un évènement digne d’intérêt, chaque geste, chaque regard entre Roofthofft et Defoort est chargé de significations. La mise en scène se passe totalement de la vidéo, si prisée de nos jours, elle se passe aussi d’effets de lumière. Ce qui compte, ce sont les poèmes et la musique qui les accompagne. Pur, simple et justement pour cette raison si poétique. Une poésie qui dépasse encore celle de Brodsky.

Une soirée qui célèbre la parole et la déclamation, qui donne envie de lire une œuvre de Brodsky et de s’installer confortablement pour en faire la lecture. Une soirée automnale froide comme celle-ci  s’y prête tout particulièrement.

Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker


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