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Les entrailles du mur, par Umar Timol (Île Maurice).

Par Ananda

Ils se réfugient dans les entrailles du mur car ils ont peur d’entendre les pas, les voix, les chuchotements des autres, tout est tellement plus calme ici, il n’y a pas lieu d’archiver l’histoire des autres, de tenter d’en saisir les nuances, d’étreindre ses ambiguïtés, dans les entrailles du mur, ils construisent une armure faite de certitudes, une armure si dure que rien ne parvient à la briser, qui cèle les gémissements des autres, qui les confine dans un lieu de surdité, dans les entrailles du mur, ils peuvent réitérer la mémoire de la souffrance, plus que légitime il est vrai mais oublier celle des autres, oublier que ceux qui sont de l’autre côté ne sont pas d’une autre matière, oublier que là-bas la mère pleure la mort de son enfant, oublier que là-bas l’enfant pleure la mort de son père, oublier que là-bas, on rêve, comme partout ailleurs, d’océans gorgés de fleurs et de couleurs, dans les entrailles du mur, ils peuvent concocter des bombes, les unes plus puissantes que les autres, les unes plus maléfiques que les autres, les lancer, comme ça, sans réfléchir, parce qu’ils ont le pouvoir de le faire et que rien ni personne ne pourra les arrêter, lancer des bombes parce que la lumière qui émane des yeux des autres ne peut les atteindre, dans les entrailles du mur tout devient possible, on peut croire qu’on peut subsister sans l’autre, on peut s’inventer de nouvelles origines, faire de nos anciens ennemis nos amis puisque la logique guerrière le réclame, fonder l’illusion d’une appartenance qui exclut l’autre et ils sont de plus en plus nombreux à se précipiter dans les entrailles du mur, parfois des voix s’élèvent, des justes, qui leur souvient le bruit des bottes, qui leur souvient l’enfer, qui leur souvient qu’ils sont les plus aptes à comprendre la dépossession mais ils ont oublié, ils ont oublié et ils sont de plus en plus nombreux à s’ y précipiter et rien n’y fera, ni la raison, ni les cris des justes et ils veulent y demeurer, y demeurer tout le temps, d’ailleurs ils consolident le mur, plus rien ne doit filtrer, ni larmes, ni linceuls mais un jour, ils le savent, il ne peut en être autrement, un jour ce mur s’écroulera parce que la pierre ne résiste jamais très longtemps à l’audace des rêves et recommencera l’errance, un jour ce mur s’écroulera et recommencera l’errance, ils le savent mais il est sans doute trop tard car ceux qui demeurent dans les entrailles du mur n’en ressortent pas, ils préfèrent l’oubli à la vérité, ils préfèrent la peur à la vie, ils préfèrent les rumeurs de l’apocalypse à ces yeux qui les renvoient, les rapatrient à leur part de lumière.


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