Petit retour sur le cas
Wikileaks et d’Assange. Il me semble qu’Apathie sur son blog
pose assez bien le problème. Il y dit, en substance, 2 choses imbriquées mais
différentes que je me permets de reprendre à ma sauce.
Tout d’abord, que la question de la transparence, argument invoqué par les
admirateurs de Julian Assange, est mal posée. En effet, Apathie rappelle, à
juste titre, que la transparence totale n’existe pas et….tant mieux. Tout
système et à plus forte raison tout individu a sa part d’ombre et aucun système
et aucun individu ne peut « fonctionner » dans une absolue
transparence.
A partir de là, et surtout lorsqu’il s’agit de la manière dont une autorité
publique exerce ses fonctions, le rôle des medias est bien de réduire cette
part d’ombre de façon à ce que les citoyens puissent en contrôler et juger les
actions, mais sans pour autant risquer de l’empêcher de mener à bien ses
missions ou à plus forte raison mettre en danger ses agents.
L’autre versant de la question évoqué par Apathie, est la manière dont les
informations sont obtenues. Est-ce qu’au nom de la transparence, tous les
moyens sont bons pour obtenir de l’information et, en corollaire, est-ce que
les rediffuseurs, même si ils n’en sont pas à la source, peuvent faire
abstraction de son origine ?
Dit autrement, la fin justifie t’elle toujours les moyens ?
Si on considère la diffusion par Wikileaks des dépêches diplomatiques US
sous ces différentes formes, et au-delà de l’aspect juridique sur lequel je
n’ai aucun avis, la réponse ….n’est pas évidente !
D’une part, et quoiqu’on en dise, connaitre les arrières pensées qui se
cachent derrière un langage officiel souvent succinct, toujours édulcoré et
rarement facile à interpréter a un intérêt !
Les dépêches ont un intérêt, autant parce qu’elles disent que parce qu’elles
ne disent pas !
Même si on s’en doutait, il m’intéresse d’avoir la confirmation des
agissements des Russes ou des iraniens, d’avoir le véritable
avis américain sur le mouvement dissident cubain, sur la situation au Kosovo,
la corruption croissante au Maroc, les relations troubles entre Bouygues et
Berdymoukhamedov président dictateur du Turkménistan, comme dans une moindre
mesure il m’intéresse d’avoir la confirmation que si Sarko avait été Président
de la République la France aurait été engagée dans la guerre en Irak
!
A l’inverse, la publication de documents destinés à rester secret permet de
tordre de cou aux innombrables rumeurs et autres théories du complot que la
culture du secret ne peut que favoriser. La plus célèbre d’entre elles étant
celle autour du 11 septembre.
Pour autant, fonctionner correctement lorsqu’on parle de diplomatie suppose,
à l’évidence, une certaine discrétion, c’est typiquement un domaine dans lequel
trop de transparence nuit !
Evidemment, toute la difficulté est d’établir la limite à ne pas dépasser,
de définir la frontière entre la souhaitable transparence démocratique et le
dévoilement d’informations qui ne peuvent-être rendues publiques sous peine de
contrecarrer le processus diplomatique. Car, il faut bien être conscient que la
diplomatie est une activité essentielle pour la stabilité du monde. Jadis on se
tapait sur la gueule et on discutait après dans le meilleur des cas, la
diplomatie à permis de faire l’inverse ce qui est une avancée
essentielle.
Dans le cas présent, en choisissant de tout publier sans filtres ni autres
précautions, Wikileaks a clairement pris le risque de perturber gravement le
fonctionnement de la diplomatie. Malgré tout, à ma connaissance, il n’y a pas
eu, à ce jour, de conséquences tragiques. Ce qui s’explique à mon sens d’une
part du fait que les diplomates de tous pays, n’ont pas du être extrêmement
surpris par ce qu’ils ont pu lire sur ces dépêches, et d’autre part, par la
puissance de la diplomatie américaine qui a du certainement, soigner, avec une
grande efficacité, les susceptibilités blessées.
Pour peu que tout cela se confirme, nous dirons que Wikileaks a joué avec le
feu mais que l’intérêt de ses diffusions l’emporte sur les risques qu’elle a
fait porter sur la diplomatie américaine, d’autant plus que, si les secrets
divulgués avaient concerné la diplomatie russe, chinoise ou iranienne, il y a
fort à parier qu'elles auraient été accueillies avec enthousiasme !
En ce qui concerne la manière dont ont été obtenues les informations, le
moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas franchement clean. Certes
Wikileaks n’a pas été les voler directement sur les ordinateurs de l’armée
américaine, mais ils ne pouvaient ignorer qu’elles en ont été illégalement
extraites. Dans ces conditions fallait-il les accepter et les publier
?...quelle différence avec du recel d’objets volés, acte puni par la Loi
?
La question se pose d’ailleurs de la même manière pour les enregistrements
du majordome de Liliane Bettencourt. Dans ce cas il y a manifestement atteinte
à la vie privée puisqu’il a enregistré une conversation privée, dans un lieu
privé, conversation ensuite diffusée par Mediapart !...D’une certaine manière
Wikileaks est à la diplomatie américaine ce que Mediapart est à Liliane
Bettancourt et de Maistre !
L’intrusion par effraction dans l’intimité des individus comme des
administrations ne peut pas être acceptée aussi facilement sous prétexte
qu’elle contribue à la transparence, invoquer la transparence comme seul
argument pour justifier la diffusion d’une information volée ne peut pas être
suffisant.
Alors à la question jeu de mot posée par Tizz
ou Libération, « Assange ou démon ? », », je répondrais que la
réponse ne peut pas être apportée à l’aulne du simple principe de transparence
que l’on aurait sacralisé pour les uns (l’ange) ou honni pour les autres (le
démon).
L’une ou l’autre appellation serait lui faire trop d’honneur et même si cette transparence peut avoir un intérêt, dès lors que l’on utilise les services d’un majordome peu scrupuleux, c’est plutôt Assanscrupule !...Transparence sans conscience n’est que ruine de l’âme !