Nicolas Roberge est un développeur informatique d’expérience qui a travaillé sur de nombreux projets d’envergure. Il a fondé Ovologic en 2008, une entreprise qui propose des solutions simples et économiques en intégrant des logiciels-services (SaaS) disponibles sur le Web aux infrastructures existantes. C’est avec son autorisation que nous reprenons le billet qu’il a récemment écrit sur son blogue.
David Gerwitz de ZDNet a écrit un article qui remet les pendules à l’heure avec le iPad. Pourtant, ZDNet a couronné le iPad comme la technologie de l’année 2010. J’utilise un iPad depuis le mois de juin. J’ai eu en masse de temps pour l’apprivoiser et m’en faire une opinion éclairée. Le iPad était le premier produit Apple qui a fait son entrée chez moi. Toutefois, je ne suis pas tout à fait satisfait du iPad.
Avant tout, il faut avouer que c’est un produit bien conçu et très stable. Les deux points forts sont la durée de la batterie et la rapidité de l’interface. En tant qu’utilisateur d’un portable et un netbook Toshiba, j’ai toujours été déçu de la durée de leur batterie. Quant à la rapidité, j’utilise un BlackBerry Storm avec l’OS 5 de RIM et c’est terriblement plus lent et instable que l’interface iOS d’Apple.
Après 6 mois d’utilisation, je réalise que cet appareil n’est pas conçu pour un informaticien. Il est avant tout conçu pour un débutant. Mon plus grand irritant est le semblant de multitâche et le faible niveau d’interaction entre les applications. On doit régulièrement quitter une application pour entrer dans une autre. Il y a peu de liens entre chacune d’elles. L’apparition du multitâche dans la version 4.2 du iOS est de la poudre aux yeux. La très grande majorité des applications continue de perdre leur état lorsqu’on revient à elles. Même si elles sont dans la barre de tâches, quand on clique sur leur iĉcône, elles se rechargent comme auparavant. Certaines applications sont mieux conçues et sauvegardent assez bien leur état, mais on doit tout de même attendre leur chargement en mémoire pour enfin les utiliser. Lorsqu’on veut copier-coller entre deux applications, c’est un emmerdement majeur. C’est une opération hasardeuse et vous risquez de perdre l’état de la page web dans le fureteur Safari ou celle dans l’application Friendly pour consulter Facebook.
Malgré la haine que j’ai développée pour mon BlackBerry, ce problème n’existe pas du tout avec lui. Les applications sont chargées simultanément et elles ne perdent jamais leur état. Certaines applications semblent mises en veille et semblent figées en arrière-plan dans la mémoire vive de l’appareil. Ça peut devenir un défaut, car sa mémoire devient vite saturée et une lenteur s’installe sur l’appareil. Je dois donc le redémarrer tous les matins pour qu’il fonctionne bien pendant la journée.
L’autre point qui m’irrite énormément est la navigation. L’architecture du iOS favorise le développement d’applications natives et installées sur l’appareil. Je comprends cette décision dans la mesure que les interfaces web offrent normalement moins d’interactivité. Toutefois, sur ces appareils on perd complètement le concept de « forward navigation » (navigation avant). Exemple, lorsqu’on clique une URL YouTube dans un courriel, on nous balance dans l’application native YouTube de l’appareil. Il n’y a ensuite pas moyen de revenir à la page où l’on était. On doit quitter l’application et revenir dans celle qu’on était. Toutefois, on revient avec le même problème de sauvegarde de l’état précédent. Certaines applications vont vous faire perdre où vous étiez. Pourtant, le bouton « back » du BlackBerry existe depuis longtemps et il permet de revenir à l’application précédente. Par exemple, j’utilise Gmail adapté pour Safari et l’iPad. Lorsque je reviens à cette page dans Safari après avoir navigué un peu, elle est régulièrement rechargée complètement et je perds le courriel sur lequel j’étais. C’est encore plus frustrant si on est en pleine rédaction d’un commentaire dans un blogue ou un formulaire sur un site web. Si on a le malheur de quitter la page pour chercher une information ailleurs, on risque de perdre notre saisie non sauvegardée.
Pour revenir à M. Gerwitz, voici ce qu’il avait à dire sur le iPad :
Mais dans une année qui a vu le « cloud computing » grandir au point qu’il peut fournir pour 525 $ un 2048-cluster de base en 45 minutes, il y a clairement des technologies innovantes qui vont bien au-delà d’un iPhone bonifié d’un écran plus grand.
C’est en réalité ce qu’un iPad est. Il s’agit d’un iPhone avec un écran plus grand – moins le téléphone et l’appareil photo. Certes, l’iPad est portatif et pratique, mais il est très limité.
Il dresse une liste de 9 raisons pour lesquelles il ne recommande pas l’achat d’un iPad pour Noël à vos proches. Les voici :
- Le iPad 2 est prévu dans quelques mois et aura l’architecture améliorée du iPhone 4
- Il n’y a aucun port USB
- Vous êtes obligé d’utiliser iTunes pour le connecter avec votre ordinateur
- Il n’y a pas façon de synchroniser vos favoris dans fureteur web
- Le Kindle d’Amazon est beaucoup moins cher
- Le WiFi n’est pas fiable
- Vous devez utiliser le logiciel approuvé par Apple
- Il n’y a aucune caméra
- Il ne peut être utilisé comme un appareil seul, il doit être activé par un ordinateur avec iTunes
J’ajouterais les points supplémentaires :
- L’interface est inefficace pour un utilisateur aguerri
- La majorité des applications perdent leur état dans le multitâche
- Aucune « forward navigation » entre les applications
- Le clavier large à l’écran est peu ergonomique quand on tient l’appareil avec ses deux mains
- L’appareil est légèrement trop lourd et ça devient fatigant à la longue de le tenir à bout de bras
- L’interface du App Store est très mal faite et ne permet pas facilement la découverte d’applications utiles
En conclusion, je recommande le iPad à ceux qui ne sont pas trop à l’aise avec l’informatique et n’ont pas besoin de contrôler beaucoup leur environnement de travail. Par contre, si vous êtes un utilisateur de technologie expérimenté, vous allez peut-être vous sentir contraint par l’interface bonbon et le manque de liberté imposé par la philosophie du fabricant Apple. J’aurais voulu utiliser davantage le fureteur web pour accomplir mes tâches quotidiennes puisque la majorité de mes applications sont disponibles directement sur le web sous le modèle SaaS. Toutefois, Apple semble mousser davantage l’installation d’applications natives directement sur l’appareil. C’est une solution de son époque, mais qui à mon sens, sera révolue d’ici quelques années. Si vous hésitez, continue à le faire. Plusieurs fabricants travaillent très fort pour mettre en marché des produits supérieurs à celui-ci.