Puis Haller est mort d'une crise cardiaque sur un vélo tout-terrain, près de la plage de Deauville, en 1997 et on l'a oublié. On peut désormais le relire sans préjugés. Par exemple ses Carnets impudiques.
Ce journal rappelle qu'avant tout, le personnage avait une langue. Lui préférait le mot style. Je l'avais rencontré à Genève, quand il avait fui la France, se disant persécuté par Mitterand. Nous étions une dizaine de journalistes plus ou moins littéraires et de pigistes à la terrasse du Hilton, au soleil levant, face à la rade et au jet d'eau. Il nous avait fait un excellent numéro, lâchant des insinuations, des demi-aveux, essayant de manipuler les journalistes... Du grand art!
Tout le milieu de l'époque (86-87) défile donc dans ces Carnets impudiques. BHL, Sollers, Pivot, Debray, Nabe, Bernard Frank, Duras. Jean-Edern a un mot méchant pour chacun. Il se met en scène aussi. On apprend tout sur ses conquêtes, sa sexualité, ses histoires passionnelles, destructrices, son goût d'emmener les femmes aimées au bout du monde. On comprend le personnage et ses outrances, sa fascination du pouvoir, son plaisir hautain de déplaire et son envie d'être aimé, et cette aspiration à la littérature, qui lui fait désirer, plus que tout, la postérité et l’œuvre. Il est parfois brillant, montre une grande culture, s’acharne à porter une tradition et à la dépasser.
C’est bien, même si on sent toujours un peu de pose en lui. L'envie de sculpter sa statue.
Jean-Edern Hallier, Carnets impudiques, Michel Lafon
Ci-dessous: Hallier interrogé sur ses Carnets impudiques par Thierry Ardisson
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