Ce matin, en écoutant les nouvelles, j'apprends que le cinéaste Blake Edwards est mort, à 88 ans. Tout le monde rend hommage au réalisateur des "Panthère Rose", avec l'inspecteur Clouseau, c'est très bien. Quant à moi, j'ai un gros coup de blues (je veux dire de "mean reds", cf. plus bas) en me souvenant que deux de mes films préférés, Breakfast at Tiffany's (1961) et The Party (1968) sont de Blake Edwards. Et bien sûr, c'est à... Audrey Hepburn, mon actrice fétiche, que je pense aujourd'hui.
Vous vous en foutez un peu, mais Audrey Hepburn, dans Breakfast at Tiffany’s, c'est mon premier choc amoureux au cinéma. Une de mes premières escapades parisiennes, à 14 ou 15 ans, dans une de ces salles du quartier latin qui projettent des vieux films. Ok, je sais, ce bolg n'est pas un bolg sur le ciména, mais je voulais y aller de ma petite nostalgie. Pour ça, je n'ai rien trouvé de mieux que de recycler un article pondu il y a quelques années, quand j'avais racheté le DVD, et que j'avais publié sur un site aujourd'hui disparu. Lisez-le. Ou pas. Si ça vous donne envie d'aller voir le film, alors mon petit hommage à Blake Edwards aura servi à quelque chose.
(le 7 juillet 2004)
J’ai donc revu Breakfast at Tiffany’s. 20 ans après. Malgré les avertissements de certains, revoir un film qu’on a tant aimé, des années après, ne conduit pas forcément à la déception... Il faut dire que je ne me rappelais plus que quelques images, des flashs, et l’histoire est plus intéressante qu’elle n’y paraît... Adaptée d’un roman de Truman Capote (qui a également écrit "De sang froid"), elle raconte comment une jeune New Yorkaise, appelée Holly Golightly, cherche à mener sa vie comme une fête permanente, et trouve dans la légèreté le moyen d’échapper aux pesanteurs quotidiennes et à leur lot d’angoisses. Le film débute sur la longue scène énigmatique où la jeune femme, habillée en Givenchy de pied en cap, contemple les vitrines du bijoutier Tiffany’s, dans une 5e avenue matinale et déserte, tout en grignotant un croissant... puis hèle un taxi et rentre chez elle.
La musique d’Henry Mancini est superbe, immédiatement nostalgique, et dans cette première scène sans paroles, elle complète l'impression de décalage entre la beauté irréelle de la jeune femme, et l’impression de tristesse qui en émane. Mais c’est sur le ton de la comédie que va se nouer sa relation avec Paul/Fred (George Peppard), son voisin amoureux "at the first sight" mais qu’elle refuse de prendre au sérieux. A tel point qu’elle s’obstine à l’appeler Fred alors qu’il s’appelle Paul.
Holly Golightly refuse d’assumer les malheurs qui l’ont accablée par le passé, et refait sa vie à New York. Une vie de faux-semblants, de chimères, que symbolise sa quête d’un mari millionnaire. Mi-girl next door, mi-sophisticated lady, tous les Paul/Fred sont condamnés à tomber pour elle, et à ne pas pouvoir entrer dans son monde. A moins de jouer son jeu, et de devenir (seulement) son complice.
La scène de la party et les gags discrets à la parfaite synchronisation (exemple : Holly fout le feu avec son fume-cigarette au chapeau d’une rombière, puis l’éteint en renversant un cocktail, le tout sans s’en apercevoir) me rappelle que le réalisateur est Blake Edwards, le génial réalisateur de "The Party" et des "Panthère Rose", avec Peter Sellers. Les alcooliques mondains, les raseurs, les potiches en robes du soir... et Holly qui règne sur ce petit monde. Sa fragilité (et la raison pourquoi elle se réfugie sans arrêt chez Tiffany’s) se révèle dans ce dialogue, un petit bijou :
Holly - "Listen...you know those days when you get
the mean reds ?" (Ecoute... tu sais, ces jours où tu as les méchants rouges?)
Fred/Paul - "The mean reds ? You mean like the blues ?" (Les méchants rouges? tu veux dire le blues?)
Holly - "No...the blues are because you’re getting fat or because it’s been raining too long. You’re just sad, that’s all. The mean reds are horrible. Suddenly you’re afraid and you don’t know what you’re afraid of. Do you ever get that feeling ?" (Non... le blues c'est quand tu as grossi, ou qu'il pleut toute la journée. Tu es triste, c'est tout. Les méchants rouges c'est horrible. Soudain, tu as peur, et tu ne sais pas de quoi. Tu as déjà ressenti ça?)
Fred/Paul - "Sure." (Bien sûr.)
Holly - "When I get it the only thing that does any good is to jump into a cab and go to Tiffany’s. Calms me down right away." (Quand je l'ai, la seule chose qui me fasse du bien, c'est de sauter dans un taxi et de filer chez Tiffany's. Cela me calme d'un seul coup.)
Un des personnages secondaires importants est "the cat", qui n’a pas de nom. Bien sûr, il symbolise la solitude de Holly, son côté "chat perdu" ; à tel point qu’il sert de prétexte à changer la fin par rapport au livre... Mais je ne vais pas vous raconter. Je peux juste dire qu’il est difficile de ne pas écraser une larme, pour peu qu’on soit un peu midinette, comme moi...
Selon Capote, le rôle devait échoir à Marylin Monroe, qui était un peu son double féminin : enfance malheureuse, gloire mal vécue, alcool etc. Paramount en décida autrement. Le choix fut parfait : l’accent, la silhouette, le style d’Audrey Hepburn conviennent parfaitement au personnage de Holly Golightly, et à sa fragilité plus "en-dedans". Ce qui rend le personnage émouvant, ce n’est pas le malheur qui la frappe, c’est son obstination à sourire à la vie, et à croire qu’elle mène la vie qu’elle a choisi. Audrey fut nommée aux oscars pour ce rôle. Le film reçut finalement l’oscar... de la meilleure musique, pour "Moon River" de Mancini.
Seul personnage à accuser le poids des ans, c’est le voisin du dessus, un japonais acariâtre joué par Mickey Rooney, personnage comique récurrent mais assez invraisemblable. M’enfin, cette invraisemblance ajoute plus qu’elle ne retire au charme du film.
Pour moi, "Breakfast at Tiffany’s" fait partie de ces films qui ne vieillissent pas. Ou plutôt qui vieillissent, mais qui ne s’usent pas, à cause d’un mélange spécial, d’une touche en plus, de quelque chose d’impalpable qui transforme une simple comédie sentimentale en film majeur. A quoi cela tient ? je ne suis pas un cinéphile averti, encore moins un critique, je ne peux donc parler que pour mon cas. Je crois que cela tient à un fantasme d’un New York de rêve (les scènes à la bijouterie, et dans le magasin de jouets), à la façon par laquelle quelques réalisateurs (Lubitsch, Wilder, Capra, Edwards) réussissent à traiter légèrement de problèmes qui nous touchent, à une présence irréelle (Audrey! Audrey en Givenchy...), à une façon particulière de capter les regards et la lumière, je ne sais pas moi... voyez, et faites vous votre idée.
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