Nous accueillerons entre temps Monsieur le Préfet de Région jeudi à 11H30, qui viendra nous présenter l’état d’avancement du projet de Canal Seine Nord Europe.
Conformément aux orientations qui vous ont été présentées, le budget que nous vous proposons repose sur une double logique de solidarité et de développement malgré une équation budgétaire difficile.
Comme vous le savez les dotations sensées compenser les récents transferts de compétences ont été gelées par le Gouvernement, alors que leur coût ne cesse d’augmenter sous l’effet de l’inflation et du GVT. Cette situation ne l’empêche de continuer à prendre des décisions sans en assurer le financement, qu’il reporte sur les collectivités. C’est le cas de la dernière réforme des bacs STI et STL, qui nécessite la mobilisation de plus d’1M€ pour adapter les équipements et les bâtiments. Une nouvelle fois l’Etat nous dit « je décide, vous payez » et ce n’est pas près de s’arrêter puisque nous vivons à travers cet exemple de financement contraint l’application par anticipation de la contre réforme territoriale.
Je dois au moins reconnaître à cette nouvelle donne le mérite d’un exercice simplifié s’agissant de nos recettes, puisqu’elles échappent, vous le savez, pour l’essentiel, à notre décision.
Après la taxe professionnelle, c’est cette année la taxe foncière qui nous est supprimée. Il nous reste à décider du niveau de la carte grise et de la taxe sur les permis de conduire.
Je vous propose de maintenir à son niveau actuel la taxe sur les permis de conduire, c’est-à-dire d’en exonérer nos concitoyens. Pour la carte grise, je vous propose une légère évolution en portant le Cheval Vapeur à 29€, ce qui place toujours la Picardie au plus bas niveau des Régions hexagonales.
Comme le Gouvernement nous y engage, ce budget est le premier à voir actionné le levier de la TIPP « Borloo » pour financer les infrastructures qui répondent aux objectifs du Grenelle, dans une limite qui permet tout juste de compenser la perte des recettes dues notamment à la non reconduction par l’Etat du Contrat d’objectifs et de moyens sur l’apprentissage et à la baisse des recettes sur les fonds européens.
Nos recettes devraient ainsi dépasser légèrement les 800M€ en 2011 pour finir par se tasser. Conjugué à une gestion maîtrisée de la dette , ce tassement se traduit par un budget en légère diminution, mais qui permet néanmoins de maintenir un haut niveau d’intervention et d’investissement, grâce à des priorités renforcées et à une approche budgétaire renouvelée.
333,8M€ d’investissement sont prévus en 2011, ce qui en fait le 2ème budget d’investissement le plus élevé de l’histoire du Conseil régional. Il nous donne les moyens de poursuivre notre stratégie développement pour la Picardie en finançant des projets dont la durée de vie, on ne le dit jamais assez, est le plus souvent supérieure à 30 ans, et ce avec un emprunt supplémentaire de 174,3M€, soit 19M€ de moins qu’au BP 2010.
Sur la méthode, devant l’incertitude qui pèse sur nos finances, tributaires de dotations d’État dont on peut légitimement s’interroger sur l’évolution, nous voulons favoriser les logiques d’appels à projet et d’enveloppes critérisées, plutôt que l’ouverture de lignes générant des droits aux conséquences budgétaires mal maîtrisées.
Cela nous amène aussi à rechercher des partenariats nouveaux et des formes d’intervention plus vertueuses en termes de finances publiques.
C’est ce que nous avons engagé s’agissant de l’économie, en réservant pour l’essentiel nos subventions aux appels à projets – je pense en particulier à l’agro alimentaire et à l’économie sociale et solidaire -, à l’ingénierie et aux actions collectives, tout en confortant nos moyens d’intervention directe pour les entreprises sous forme d’avances ou d’outils financiers.
Cette démarche engagée depuis maintenant plusieurs années peut être jugée sur ses résultats, puisque par exemple pour 1€ investi dans la société de capital risque Picardie Investissement, ce sont 20€ d’investissements productifs qui sont générés en Région. C’est dans le même esprit qu’est créée la SEM Énergie. Dans tous les cas nous voulons agir comme des leviers significatifs pour l’investissement et pouvoir bénéficier d’un légitime retour. D’une certaine manière nous réinventons par nos propres moyens le cercle vertueux que représentait la taxe professionnelle.
Ce recentrage nous permet de maintenir un haut niveau d’intervention pour la recherche et l’innovation comme le souligne à juste titre le CESER, j’y reviendrai.
La nouvelle méthode que je vous propose, c’est aussi un exercice plus exigeant de la solidarité, avec une critérisation plus forte de nos interventions, de manière à ce que nos moyens concourent encore mieux à notre objectif fondamental qui est de contribuer à assurer l’égalité des chances.
C’est dans cet esprit que nous avons travaillé par exemple pour les aides aux étudiants, qui demeurent, et je veux le souligner, parmi les plus élevées de France. Elles ont par exemple permis à la Région seule depuis 2004de verser 5500 bourses de mobilité internationale pour les étudiants, quand dans le même temps l’Etat, dont c’est la compétence, en accordait 1089.
C’est dans ce même esprit que le service public régional de formation sera mis en œuvre cette année, pour redonner une chance de trouver un emploi à ceux qui n’ont aucun diplôme, en particulier aux jeunes sortis trop tôt du système scolaire. L’accès à la formation des 28% de demandeurs d’emplois Picards qui n’ont aucune qualification est en effet à la fois une question de solidarité et un enjeu de développement pour la Région.
De la même manière pour les emplois solidaires, si nous devons maîtriser leur impact sur le budget, les moyens qui y sont consacrés restent plus que significatifs avec 15,6M€, bien au-delà de beaucoup d’autres Régions. Notre objectif est d’en faire évoluer les règles d’attribution, de manière à ce qu’ils conservent leur rôle irremplaçable de levier de la vie associative et de moyens pour la solidarité sociale et territoriale.
Il est une autre exigence sur laquelle aussi je voudrais insister, qui est celle de la clarté sur nos compétences et sur la responsabilité des uns et des autres. Nous ne pouvons pas, nous ne pouvons plus, dans le contexte financier qui nous est imposé par l’État, assumer à sa place les responsabilités qui sont les siennes.
C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre notre position sur l’illettrisme comme sur d’autres sujets d’ailleurs Monsieur le Président du CESER.
Je voudrais de ce point de vue souligner un paradoxe, c’est au moment où nous recentrons nos politiques qu’on leur trouve rétrospectivement tous les mérites dans une touchante unanimité, en même temps que se développe une forme de schizophrénie politique.
Comment en effet peut-on Madame Cayeux écrire à tous les maires, enfin presque tous si j’ai bien compris, pour leur demander comment on pourrait dépenser encore plus d’argent, alors qu’on appartient à une formation politique qui vient de faire voter une loi qui vise à nous interdire l’essentiel de nos concours aux territoires, et surtout après nous avoir retirer les moyens de le faire ?
J’attends d’ailleurs Madame Cayeux comme l’an dernier une identification des 100M€ d’économie que vous proposiez dans votre programme. Je regrette que vous ayez oublié de poser cette question aux maires de l’Oise.
Comme le disait Pierre Mendès-France « gouverner c’est choisir » et si j’insiste sur la nécessité de travailler autrement, c’est tout simplement pour que notre Assemblée garde les moyens d’exercer sa responsabilité, qui est celle d’assurer un meilleur avenir à nos concitoyens et à notre Région.
C’est tout le sens de ce budget qui concerne un très haut niveau d’investissement et qui préserve la capacité de le maintenir pour les années qui viennent.
Jamais notre Région n’a été à l’initiative ou n’a accompagné autant de projets majeurs pour construire concrètement le développement durable que nous voulons, jamais elle n’a connu autant de réussites, qu’il s’agisse d’infrastructures comme le TGV ou le canal, ou de l’environnement du développement industriel durable, à travers nos laboratoires, centres techniques et centres de transfert.
J’ai déjà évoqué la SEM Énergie, je pourrais citer le C2TR qui constitue le plus gros investissement pour un centre de transfert porté par la Région, CADEMCE, qui nous place au cœur des enjeux ferroviaires, et bien évidemment la montée en puissance de la chimie verte, des batteries.
Comme les pôles de compétitivité, le grand emprunt accélère les mouvements et met en évidence les atouts que nous avons su construire ensemble.
Mais cette préparation de l’avenir concerne aussi l’aménagement du territoire. J’ai évoqué des infrastructures majeures dont nous voulons saisir l’effet levier pour susciter des dynamiques fortes, dans la logique du Schéma Régional d’Aménagement et de Développement Durable du Territoire.
Vallées, quartiers de gares, littoral, la Picardie s’est dotée d’une stratégie forte et partagée qui s’inscrit dans une dynamique interrégionale qui lui donne une visibilité nationale et européenne, à travers en particulier la Conférence des Régions du Grand Bassin Parisien.
Là encore cette ambition va de paire avec une solidarité territoriale renforcée. Les moyens consacrés à nos territoires seront cette année augmentés avec 6,9M€ de crédits de plus que l’an dernier.
Cette ambition pour la Picardie est un combat. Ceux qui ont l’intention de la détruire n’ont pas renoncer, comme en témoigne cette proposition scandaleuse de redéfinition des zones d’emploi par l’INSEE, qui fait basculer une partie du Sud de l’Oise et de l’Aisne sur la Région Ile-de-France et une partie du Vimeu sur la Normandie. J’aurais d’ailleurs aimé de ce point de vue, Monsieur le Président du CESER, entendre votre Assemblée sur ce sujet, particulièrement informée et attentive pour les sujets concernant l’INSEE.
Rassemblée et mobilisée, notre Région peut gagner, comme je viens de l’illustrer.
Je vous propose d’aborder avec la même détermination le grand chantier de la réussite éducative. C’est une grande cause régionale pour laquelle je veux solliciter toutes nos politiques, qu’il s’agisse du sport, de la santé, de la culture, de la vie associative, de l’aménagement du territoire, et bien entendu de l’éducation et de la formation.
La mobilisation il y a 10 jours des acteurs de l’éducation et de la jeunesse, au lancement de la concertation initiée par la Région, témoigne d’une volonté commune de contribuer ensemble à la réussite des jeunes, tout simplement parce que c’est la meilleure manière d’agir concrètement pour l’avenir de nos concitoyens, et pour le développement de notre Région.
Les 3 priorités que nous avons dégagées doivent nous conduire à mettre plus de lien entre nos actions, à poursuivre le développement d’initiatives nouvelles, à faire évoluer nos représentations et surtout à agir sur toute la chaîne éducative.
Nous nous devons de donner à tous les jeunes les mêmes moyens d’excellence pour que chaque jeune puisse se construire son avenir, sa vie professionnelle et développer la confiance en soi et aux autres.
D’une certaine manière, c’est également un exercice plus exigeant du développement que je vous propose.
Qu’il s’agisse de grands projets structurants ou de nos politiques publiques, et de la manière de les mener, 2011 doit permettre de répondre à une exigence de responsabilité sociale et environnementale.
Je pense au contrat d’appui et de développement, aux nouvelles actions en matière de santé –environnement, à notre mobilisation sur les éco-activités, mais aussi à une exigence d’emploi et d’insertion réaffirmée avec force dans nos politiques de formation, évidemment aussi à la mise en œuvre de notre Agenda 21, et au travail engagé pour les clauses sociales et environnementales dans les marchés publics.
On retrouve aussi cette philosophie de l’action publique dans la stratégie du Comité régional du Tourisme, fondé avant tout sur l’humain.
Je l’évoquai en ouverture de mon intervention, les principes qui nous guident sont ceux de la solidarité et du développement. En vérité ils répondent à une seule préoccupation : l’emploi, la défense de l’emploi existant, l’accès à l’emploi pour ceux qui en sont les plus éloignés, la multiplication des initiatives pour favoriser la création d’activités dans une logique de développement intégré de nos territoires, et nous avons un bel exemple de réussite dans ce domaine avec le tourisme.
Je suis persuadé que nous pourrons constater les mêmes résultats pour les éco-activités. Il y a aussi les emplois de demain qui se préparent aujourd’hui, par notre stratégie ambitieuse de recherche et d’innovation, mais bien sûr aussi et toujours par l’éducation et la formation.
Nous ne sommes malheureusement pas sortis de la crise, une crise d’ailleurs dont nous avons collectivement du mal à accepter toute la signification. C’est bien d’un bouleversement dont il s’agit, qui concerne les rapports de force économiques entre les continents autant que la gouvernance financière.
C’est aussi l’expression des limites d’une certaine forme d’industrialisation. Je suis persuadé qu’en Picardie nous pouvons construire ensemble des réponses pour sortir par le haut, même si c’est difficile, parce que c’est difficile. Ma volonté est de faire de ce budget un moyen d’y parvenir.
Claude GEWERC
Président de Région
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