Ils ont osé ! L’Etat de l’ultralibéralisme n’est plus rien qu’un commerçant parmi les autres. Nous le subodorions déjà avec un président de la République simple VRP de ses amis du COUAC-40 et sa foireuse «diplomatie des contrats».
Le palais de l’Elysée transformé en “comptoir” ! En quasi faillite au demeurant, d’où tous les expédients pour faire rentrer des pépètes et le Parlement érigé en liquidateur judiciaire. Brader tout ce qui peut l’être, de préférence aux amis : portions du territoire (à l’aune des concessions aux promoteurs immobiliers prévues par le Grand Paris), services publics – même régaliens (armée, police, prison, etc.) – et entreprises publiques. Les mettre sous la coupe de l’étranger ne les gênant nullement : Le fonds souverain du Koweït renfloue Areva (Libération 6 déc. 2010). La totale désindustrialisation de la France éminemment souhaitée par Nicolas Sarkozy - nonobstant ses véhémentes déclarations volontaristes la main sur le cœur (côté porte-feuille) – est en bonne voie de parfait achèvement.
Amateurs de rififi et autres «COUAC-COUAC» prenez vos billets, le spectacle risque d’être gratiné. D’une part Henri Proglio (EDF) et Patrick Kron (Alstom) - dont j’ai déjà dressé un portrait peu flatteur – sont sur les rangs et sont en guerre ouverte avec Anne Lauvergeon, pédégère d’Areva, laquelle au demeurant peu appréciée de Nicolas Sarkozy, ne sera pas reconduite au printemps prochain. Cela va se corser encore un peu plus car Le directeur de cabinet de Lagarde se prépare à prendre la tête d’Areva (Libération 6 déc. 2010). Avec exactement le même problème de conflit d’intérêts que lors de la nomination de François Pérol à la tête du groupe Caisse d’Epargne-Banque Populaire dans la mesure où Alexandre de Juniac supervisait, au sein du cabinet de Christine Lagarde, l’épineux dossier de l’augmentation de capital du groupe nucléaire civil. “Il était surtout un exécutant des décisions stratégiques qui étaient décidées à l’Elysée” fait-on valoir à Bercy.
Il reste à connaître ce qu’en diront les magistrats de la Commission de déontologie au regard des dispositions de la loi de 1993 qui encadre strictement tout parachutage d’un fonctionnaire dans le privé (”pantouflage”). Dans l’affaire Pérol Nicolas Sarkozy n’avait même pas demandé leur avis, tout en prétendant le contraire… Cette fois, «il semble que l’Elysée est disposé à mettre les formes» nous dit Grégoire Biseau… Acceptons en l’augure. Les formes, soit. Mais le fond ? Nicolas Sarkozy respectant la stricte légalité, ce serait une grande première. Wait and see.
Cette parenthèse étant fermée, j’en reviens à l’objet de mon juste courroux. Clio m’avait signalé l’information et vous pensez bien que je suis allée chercher des articles dès que j’en ai eu le temps. Il y aurait bien de quoi tomber à la r’bidaine si je ne m’attendais à tout – et surtout au pire – de leur part. Bientôt, les données personnelles des cartes grises en vente ? (France-Soir 14 déc. 2010) «Dans le cadre de la loi Loppsi 2, l’État pourrait vendre les coordonnées personnelles contenues dans les fichiers de demandeurs de cartes grises». Comme n’importe quel commerçant ! Or, si l’on s’en tient à la rigueur aussi bien sémantique que juridique, la carte grise est un document officiel obligatoire pour tout possesseur d’un véhicule automobile – voiture, motocyclette, camions, etc. - certes délivré moyennant finance et de surcroît de plus en plus onéreuse mais non “vendu” – ce qui ne fait donc pas de nous de vulgaires clients de l’Etat ou d’ailleurs plutôt des conseils généraux qui en fixent et perçoivent le montant mais des citoyens. Les préfectures et sous-préfectures ne sont pas – encore ? – devenues les hypermarchés des documents officiels.
L’Etat en a-t-il seulement le droit ? Le Conseil constitutionnel qui sera vraisemblablement saisi de la loi Loppsi 2 appréciera sans doute ce délicat problème. Je ne pense pas que de telles données figurant sur des documents officiels – nom, adresse, date de naissance - puissent être objet de commerce. De mon avis, les Sages pourraient même retoquer purement et simplement cet amendement en considérant qu’il s’agit d’un «cavalier législatif» : entendre une disposition sans aucun lien avec l’objet propre de la loi qui vise uniquement les questions de sécurité intérieure.
D’ores et déjà, Sophie de Menthon, présidente du mouvement patronal Ethic, dans une lettre adressée une lettre à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) estime que la perspective d’une vente des données personnelles d’un usager par l’administration relève «d’un comportement abusif ne correspondant pas aux critères éthiques de protection des individus».
D’autant que je lis sur le Nouvel Obs (14 déc. 2010) L’Etat va vendre vos données personnelles de carte grise que «l’amendement donne le droit à l’administration de vendre à des sociétés privées les fichiers préfectoraux sans en avertir les propriétaires de véhicules» ! C’est d’autant plus grave que la CADA (commission d’accès aux documents administratifs) - qui n’a pas été associée à la préparation du texte ! - doute officiellement de la méthode et de ses conséquences…
Même dans le commerce cela ne se fait théoriquement pas : il est toujours possible de s’opposer à la divulgation des informations nous concernant. «Les citoyens ne disposent d’aucun moyen d’opposition pour exiger que la société acheteuse les raie de son listing», s’indigne l’avocat Olivier Hugot, spécialiste du droit sur Internet qui par ailleurs (Le Figaro du 14 déc. 2010) L’État peut vendre les fichiers personnels des cartes grises met en garde contre de possibles – et probables – dérives : «De surcroît, il est aisé d’imaginer que les données en question puissent tomber entre des mains malveillantes (…) On imagine l’intérêt que ces informations pourraient avoir pour des organisations criminelles désireuses de pratiquer le racket, le trafic ou le vol de véhicules à grande échelle»… Les députés devaient examiner mardi après-midi un amendement du gouvernement permettant à l’Etat d’enquêter sur les acheteurs de ces fichiers.. «Si l’Etat se réserve le droit d’enquêter sur ses futurs clients, c’est bien qu’il existe un risque quant à l’utilisation de ces données», conclut Me Hugot.
Balivernes ! Comment l’Etat pourra-t-il avoir quelque pouvoir sur les sous-acquéreurs en cascade de ces fichiers ? Encore une fois, nous avons vraiment affaire à une bande de Gribouilles UM/Pcapables de maîtriser les conséquences de leurs actes les plus insensés.
D’un côté ils prétendent lutter contre la criminalité organisée de plus en plus présente sur Internet et de l’autre, ils leur fournissent tous les moyens de prospérer davantage ! Nous savons pertinemment qu’un des nouveaux fléaux – l’usurpation d’identité qui peut avoir des conséquences très graves sur la vie quotidienne des victimes – se nourrit précisément de ce type d’infor-mations. Il suffit en effet de connaître la date et le lieu de naissance d’une personne pour demander un extrait d’acte de naissance à la mairie de naissance et ensuite se faire délivrer une belle carte d’identité au nom de la victime : sur ce vrai-faux document officiel, seule la photo est différente. La fraude est indétectable sauf en cas de plainte de la victime et à condition de retrouver l’individu utilisant son identité.
Selon ce que je lis sur Le Parisien (14 déc. 2010) dont les révélations sont à l’origine de ce nouveau scandale L’Etat peut vendre les fichiers personnels de carte grise l’objectif des promoteurs de cet amendement – les sénateurs UMP Gérard Longuet et Gérard Cornu – serait essentiellement de «de faciliter le rappel des voitures pour des questions de sécurité»… Merci, Monsieur Longuet – ex facho de chez facho qui ferait sans doute mieux d’aller s’occuper de sa fort lucrative collection de timbres – de nous prendre pour de parfaits cons. Pourquoi les constructeurs automobiles seraient-ils obligés d’acheter des informations sur leurs clients qui doivent de toute évidence figurer dans leurs fichiers ou ceux de leurs concessionnaires ?
Tel n’est pas l’objectif principal comme le souligne Elisabeth Fleury dans son autre article du Parisien (14 déc. 2010) Questions sur une cession de documents privés (encore que le terme de documents privés ne soit pas adéquat s’agissant de documents officiels délivrés par une administration) : outre «l’utilisation à des fins statistiques, scientifiques ou historiques» de ces données, elle autorise –c’est ce qui fait évidemment débat - «l’utilisation des données à des fins d’enquêtes ou de prospections commerciales»…
A quels imbéciles Gérard Longuet pense-t-il faire croire que l’amendement voté en avril 2009 sur les fichiers de cartes grises excluait les informations nominatives. «L’utilisation des données se rapportant aux véhicules et à leurs propriétaires à des fins statistiques, scientifiques ou historiques sera possible, même sans l’assentiment des personnes concernées, dès lors que les études réalisées ne feront apparaître aucune information nominative» ? Comme si les acquéreurs des fichiers qui escomptent faire de la prospection commerciale se contenteront de données non nominatives !
Ce que je n’arrive pas à m’expliquer : comment une telle disposition – adoptée dans la plus grande discrétion - a-t-elle pu passer sans encombre ni levée de boucliers lors du vote de la loi du 29 avril 2009 sous l’article 29 ? Avec l’avis favorable de Philippe Marini, rapporteur général de la séance, de même que celui du ministre du Travail – quel lien avec le Travail ? décidément, Eric Woerth aura été dans tous les mauvais coups ! Et pourquoi aujourd’hui faire repasser la même disposition - figurant déjà dans une loi – devant la représentation nationale ?
Si d’aventure le Conseil constitutionnel devait la déclarer contraire à la Constitution, elle le serait ipso facto s’agissant de la loi du 29 avril 2009, ce qui serait du dernier marrant. Comme s’ils cherchaient des bâtons pour se faire battre…. Le «guignol de l’Elysée» n’est pas loin et nous autres, le vulgum pecus tellement méprisés, aurions-nous alors de nouveaux motifs de rigolade. Pour une fois, quelque chose qui ne coûte rien. Comme disait une collègue de la DDASS d’Orléans «On n’est pas payé cher mais qu’est-ce qu’on rigole !».
Croyez-bien que je ne parle pas sans raison de nouvelle féodalité. Plus l’espace public se rétrécit – accaparé ou vendu aux groupes commerciaux – plus cela ressemble à l’appropriation du domaine public et du champ politique qui eut lieu de la fin de l’Empire carolingien jusqu’au haut Moyen-Âge. Nicolas Sarkozy devient le vassal des multinationales, de même que tous les “barons” de l’UMP. L’Etat perd peu à peu toutes ses prérogatives. Quand ce ne sont pas les multinationales qui les accaparent ce sont l’Union européenne et la Commission, ce qui revient au même : guidées uniquement par l’idéologie ultralibérale.
Il aura fallu plusieurs siècles – grosso modo de Louis XI à Richelieu et Mazarin – pour restaurer la souveraineté de l’Etat et abaisser la noblesse insoumise. Depuis quelque 35 années nous assistons impuissants au mouvement inverse. La nouvelle noblesse n’est ni d’épée ni de robe mais d’argent et bénéficie des mêmes privilèges, fiscaux notamment. On lui sert toutes les infrastructures publiques sur un plateau doré. Et contrairement aux chevaliers du temps jadis au moment de leur adoubement ces chevaliers d’industrie font très certainement vœu d’accabler la veuve et l’orphelin.
Hormis le droit de vote nous ne sommes plus des citoyens. On nous traite effectivement comme de vulgaires “sujets” avant de peut-être nous mettre en état de servage. Mais qu’ils se méfient et méditent bien plutôt ce qu’en disait Henri de Rochefort (1830-1913) : «La France compte 36 millions de sujets, sans compter tous les sujets de mécontentement» et comme il le notait par ailleurs «Il y a deux sortes de bergers parmi les pasteurs de peuples : ceux qui s’intéressent au gigot et ceux qui s’intéressent à la laine. Aucun ne s’intéresse au mouton».
Sauf pour leur tondre la laine sur de dos et à cet égard l’UMP gagnerait haut la main le championnat de France des bergers. Mais qu’ils se méfient : les moutons français pourraient bien devenir des loups et se souviennent que nous sommes un peuple rouspéteur et volontiers frondeur. A force de subir, nous finirons par montrer les dents et ce ne sera pas pour sourire.