Le quotidien La Tribune publie une grande enquête (une pleine page dans son édition imprimée) consacrée à l’addiction aux jeux d’argent en ligne. Un article disponible sur le site de ce journal (accès payant) dont voici quelques extraits:
Les Français perdent 60 millions d’euros par jour, soit 21,6 milliards sur l’ensemble de l’année 2009… en tentant leur chance auprès de la Française des Jeux, du PMU et dans les quelque 200 casinos couvrant le territoire. Jusqu’à l’été dernier, ils jouaient aussi, en toute illégalité, 3 à 4 milliards par an sur Internet. Sous la pression de Bruxelles, les monopoles historiques du secteur ont dû accepter l’ouverture à la concurrence sur les jeux en ligne. Désormais, sur Internet, les Français peuvent en toute légalité parier sur les compétitions sportives, jouer au poker et miser sur les courses de chevaux. Les opérateurs agréés peuvent faire de la publicité et ne s’en privent pas: affiches, habillages de bus à leurs couleurs, spots à la télévision, sponsoring des maillots des principales équipes de football. Des millions d’euros sont dépensés en communication (…).
Le jeu en ligne, accessible à tout moment et en toute discrétion, favorise-t-il la hausse du nombre de joueurs à problèmes? Ce qui est sûr, c’est que, en améliorant «l’accessibilité aux jeux, le développement des jeux en ligne augmente le nombre de joueurs addictifs», souligne le docteur Marie Grall-Bronnec du CHU de Nantes, qui mène au sein de l’Ifac des études d’observation à long terme de joueurs, pathologiques ou non, en coopération avec 7 hôpitaux. Des travaux financés depuis des années par la Française des Jeux et le PMU, faute d’engagement de l’État.
Grâce à ce suivi qui s’étendra sur cinq ans, les connaissances sur l’évolution des habitudes de jeu des Français seront approfondies. Actuellement, 15 à 20% des cas examinés par la chercheuse concernent des joueurs sur Internet. Mais elle se garde de condamner Internet. Rien ne dit que ces joueurs ne jouaient pas excessivement dans des casinos ou aux courses avant de basculer vers le Web, note-t-elle prudemment. Il est vrai que 17 à 18% des personnes inscrites sur la liste des interdits de jeu (ce qui relève d’une démarche exclusivement personnelle) ont tenté d’ouvrir des comptes sur les sites de jeux, soulignent tous les observateurs. L’association SOS Joueurs, financée par les casinos, relève qu’il est difficile de dire si un joueur est excessif à cause d’Internet ou s’il trouve dans cet outil une facilité d’accès.
Certains chiffres inquiètent. «En 2005, moins de 5% des appels traités par SOS Joueurs concernaient le jeu en ligne. En 2009, le pourcentage atteint 35%», observe la porte-parole de cette association. Et, selon elle, le pire est peut-être à venir. «Les effets de l’ouverture du jeu en ligne sur le développement du jeu excessif ne seront pas visibles avant deux ans, le temps que certains joueurs d’aujourd’hui tombent dans l’excès et se retrouvent dans une situation suffisamment problématique pour se tourner vers une aide extérieure.»
Les craintes se portent en particulier sur le poker en ligne. Il est classé parmi les jeux d’adresse, c’est-à-dire que, contrairement à une loterie ou à la roulette où le joueur ne peut influencer le résultat, on considère qu’un joueur de poker expérimenté a plus de chances de gagner. Il séduit les jeunes, attirés par la starisation de ceux qui ont rapidement fait fortune au poker. Cette population sans expérience, tentée de transgresser les interdits, est susceptible de tomber plus facilement dans la spirale du jeu excessif. Un appel sur quatre reçu par SOS Joueurs émane d’un adepte du poker.
Michel Abécassis, directeur éditorial du site de poker Winamax, fait tout pour décourager les joueurs qui pensent pouvoir vivre du poker: «Dans nos forums de discussions, j’explique aux joueurs que l’on peut aborder le poker autrement que comme un jeu d’argent, dans un esprit de stratégie.» À ceux qui rêvent de devenir professionnels, il rappelle qu’«on ne devient pas tous des Zidane ou des Depardieu. Et qu’il est moins marrant de jouer au poker pour payer son loyer que pour simplement se divertir». Le site incite les joueurs à limiter le rythme de leurs dépôts, l’accélération de ce rythme étant un premier pas vers l’excès. Mais il plaide pour que ces limitations soient nationales, afin qu’un joueur ayant atteint une limite sur un site n’aille pas continuer de jouer chez un concurrent (…).
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