Etat chronique de poésie 1080

Publié le 17 décembre 2010 par Xavierlaine081

1080 

Pensée, aimable fleur cueillie au fossé d’un chemin buissonnier, que sais-je du voyage que tu me proposes ? 

Née de rien dans les haillons déchirés d’avoir été tant portés, tu jaillit d’un œil incrédule et primitif, perplexe de se sentir être. 

Et chacun de déposer son obole à la sébile des philosophies naissantes. 

Chacun tente de dresser phare dans le brouillard des vies chahutées, brisées sur les écueils du temps. 

Chacun tente, croit un moment parvenir à déchiffrer quelques bribes, puis sombre dans l’oubli. 

Pour que pensée soit, il lui faut l’humus de la joie ou de la peine, le terreau d’un héritage, la fertile vallée des rencontres. 

A défaut, cantonnée aux seules rives d’une unique bouée, pensée s’étiole et meurt, d’une mort toute provisoire. 

Car pensée se régénère, dès lors qu’on lui favorise l’accès à l’air pur d’une liberté totale. 

Dès lors, il lui arrive même de proliférer en bouquets au parfum délicat. 

Elle se repaît dans les ronces et l’entrelacs des phrases lancées, hameçons du hasard, en des lacs d’eaux profondes. 

Pensée à toujours quelque maître à qui rendre hommage, bien sûr. 

Mais qu’est celui-ci si l’élève n’en vient jamais à le dépasser. 

Pensée qui ne tourne qu’autour de celui-ci tourne sur elle-même,en derviche stérile. 

Elle a besoin de ce fumier de la chute, de la séparation, du désespoir et de la douleur pour se libérer des carcans, rompre les digues universitaires, dévaler la pente des nécessités. 

Elle devient alors ce torrent impétueux où les troupeaux innombrables peuvent venir s’abreuver, délivrés de leurs entraves par quelque mot bien senti. 

Pensée est fleur de mille libertés inexplorées. 

Elle se doit de déborder, de supplanter celle qui fleurissait avant elle. 

Car à vivre dans l’ombre de ses ancêtres, point de nouveaux mondes à découvrir. 

Ayant fait l’état des lieux des blancs sur le planisphère des recherches, elle chausse ses bons souliers, pose son couvre-chef sur chevelure évanescente, et d’un bon pas s’en va, heureuse de sa liberté totale, en quête de ce qui jamais ne pourra se nommer. 

Pensée est fleur insoumise, frondeuse, insouciante. 

Elle ne fleurit qu’où elle veut, surtout pas où je l’attends. 

Manosque, 18 novembre 2010

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