Claude RIZZO – Un fils pour un autre : 6-/10
Le roman « un fils pour un autre » situe son action peu après la première guerre mondiale. François Claudel arrive à Nice et nous vivons avec lui le retour à la vie, après une guerre éprouvante qui lui a coutée un bras.
François Claudel n’est pas originaire de Nice, mais au cours des quatre années qu’il a passé à combattre, il s’est lié d’amitié avec Jean Cassini qui, lui, est file d’une famille niçoise. Cette amitié est devenue une véritable fraternité, les deux jeunes hommes ne se quittant plus et partageant chaque instant. Et c’est le même obus qui a arraché un bras à François qui a couté sa vie à Jean.
Les deux hommes s’étaient jurés de demeurer frères, et François qui, privé d’un bras, n’est plus d’aucune utilité sur sa ferme familiale dans les Vosges, se rend donc sur la Cote d’Azur afin d’honorer sa promesse. Il prend contact avec Robert Cassini, le père de Jean.
Et cet homme l’accueille les bras ouvert. Il a souvent entendu parler de lui, à travers les lettres que son fils lui a envoyées de la guerre. Il a perdu un fils à la guerre et ouvre maintenant la porte au frère de ce dernier.
Ainsi François devient un membre de la famille Cassini et entre dans l’entreprise familiale.
En très peu de temps, il se révèle un homme d’affaires adroit et intelligent qui fait fleurir les entreprises Cassini.
Or, François, un homme simple qui se retrouve à un poste de pouvoir, a un peu de mal à gérer son nouveau statut et se laisse séduire par les soirées arrosées et les affaires mettant parfois à rude épreuve l’éthique.
Après quelques années passées à ce rythme, il s’aperçoit qu’il a abandonné toute morale, et, pire encore, que Rober Cassini, son père d’adoption, ne semble pas si net que cela.
D’un jour à l’autre, il rejette cette vie dans les classes aisées et abandonne tout pour retrouver la sérénité de l’esprit. Pour cela il se mêle aux ouvriers et occupe un poste bien peu honorifique au sein de la manufacture de tabac.
Mais est-ce que cette vie est faite pour un homme aussi intelligent que François ? Ses amis en doutent …
L’histoire que nous raconte Claude Rizzo est donc fascinante. Un combat intérieur, un choix difficile entre vie facile et morale. Au fur et à mesure on ne peut que s’interroge – est-ce que l’argent exclut nécessairement l’éthique ? Les deux sont-ils inconciliables ?
L’auteur nous plonge dans la vie des riches et aisés d’un coté et des ouvriers et travailleurs de l’autre coté, deux mondes séparés qui ne semblent ni vouloir ni pouvoir se mélanger.
François Claudel, lui, devra au final choisir entre les deux.
Ce roman nous permet par ailleurs, et peut-être surtout, de nous plonger dans l’histoire de la belle ville de Nice.
Claude Rizzo décrit ses rues d’antan, ses odeurs, ses couleurs avec une telle adresse qu’on a l’impression de humer les effluves des fleurs du cours Saleya et de frôler de nos pieds les ruelles du Vieux Nice.
C’est, indéniablement, un amoureux de cette Ville qui souhaite partager sa passion avec nous. Parfois on a même l’impression que ce roman est moins l’histoire de François Claudel qu’un prétexte pour nous plonger dans l’histoire de Nissa la Bella : nous entrons dans les coulisses du Carnaval et des carnavaliers, nous découvrons la vie de l’après-guerre, la vie des quartiers, leur essor.
Après tout ce que je viens de dire, on peut s’interroger pourquoi je n’accorde « que » 6- à ce roman ? Tout simplement parce que j’ai trouvé qu’en ce qui concerne l’intrigue elle-même, l’auteur a choisi la facilité. Il aurait dû aller plus au fond des choses, quitte à allonger son roman d’une centaine de pages, qu’il aurait alors consacré à la bataille intérieure que se livre François.
Je pense cela tout simplement parce que les changements dans la vie de François sont trop abrupts, voire trop simples : il arrive, pauvre blessé de guerre, malheureux sans confiance en lui, et le lendemain il évolue aisément dans la haute société niçoise. Les années passent en coup de vent, puis, d’une heure à l’autre il se retrouve sans le moindre sou ni aucun ami etc. etc.
Toutes les décisions de François semblent trouver une réponse sans réflexion ni hésitation. Sa moralité, noircie par la vie facile, redevient blanche en l’espace d’une journée, du moins en a-t-on l’impression. Toute situation trouve une issue trop rapide.
L’histoire aurait mérité une évolution plus lente, plus murie. Ces brusques changements, que ce soit dans la moralité de François, dans ses amitiés ou dans sa situation professionnelle, rendent l’ensemble peu crédible.
J’avais, comme je l’indiquais plus haute, l’impression que l’histoire de la ville de Nice prenait le pas sur celle de François. Tout ce qui concerne cette belle ville est doux et coloré. Mais dès qu’on aborde la personnalité de François et sa vie, tout est trop direct, sans nuances. On peut voir les ombres sur les murs des immeubles niçois, mais on ne les voit pas dans le caractère de François.
Donc, un avis mitigé. J’étais un peu déçue après « le sentier des aubépines » dans lequel les personnages étaient plus profonds.
Mais il est vrai que les deux livres sont très différents l’un de l’autre, il ne faudrait pas comparer juste parce qu’ils ont été écrit par le même auteur.
Une petite observation supplémentaire et pour finir : j’ m’interrogeais sur les mots en italique qui peuplent ce roman. D’abord j’ai pensé qu’il s’agissait d’un effet se style, pour ironiser ou approfondir l’importance de ces termes - mais compte tenu du soin apporté par l’auteur à chaque mot dans ses descriptions je ne pense pas qu’il ait besoin de ce genre de soutien visuel et doute donc que cela ait été l’objectif. Alors, est-ce qu’il s’agit de mots dont l’emploi n’était pas encore certain, qu’il avait ainsi marqué pour, éventuellement, en changer – tout en oubliant par la suite de corriger cette mise en page ? Je ne le saurais probablement jamais.
Qui qu’il en soit, un roman à lire pour les amoureux de la ville de Nice.
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