L’Assemblée nationale examine cette semaine le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (le projet LOPPSI 2). Les automobilistes raisonnables que sont les lecteurs de ce blog en ont forcément entendu parler puisque ce projet contient une proposition qui leur est chère, l’assouplissement du permis à points. Ces mesures d’assouplissement, qui ne doivent en aucun cas être ressenties comme un relâchement de l’action de sécurité routière, sont cependant nécessaires pour redonner du sens et de l’acceptabilité sociale à une politique jugée trop sévère par une grande majorité des conducteurs
En effet, dans le système actuel mis en place il y a plus de vingt ans, un conducteur qui a perdu tous les points de son permis ne peut les récupérer qu’à l’issue d’une période de trois ans. Ce système est le plus répressif d’Europe puisqu’en Allemagne, en Italie ou encore en Espagne, le délai de récupération est de deux ans.
Pour mettre fin à cette situation ayant pour conséquence la perte de points (voire du permis) pour des délits mineurs et un trafic de points en nette hausse, un amendement a été déposé et voté lors de la première lecture du projet LOPSSI 2 au Sénat le 10 septembre, réduisant ce délai dans des proportions plus raisonnables, à savoir un an. Le délai de récupération d’un seul point a également été diminué, passant d’un an à six mois. Si ce dernier aménagement a été confirmé par l’Assemblée nationale le 29 septembre, le délai de récupération des 12 points a lui été rehaussé à deux ans.
C’est donc dans ce contexte qu’a commencé mardi à l’Assemblée la discussion en deuxième lecture du texte. Les comptes rendus de la session nous offrent l’occasion de constater un florilège de contre-vérités et d’approximations. Extraits choisis :
« Je vous le dis, il n’est pas question de faire preuve de laxisme s’agissant de la gestion du permis à points. C’est un instrument pédagogique efficace qui constitue le cœur de notre politique de sécurité routière ; il responsabilise les conducteurs sans les paralyser ». Cette citation, dont l’observateur attentif des questions de sécurité routière pourrait croire qu’elle est extraite d’un communiqué de presse de la Ligue contre la violence routière, est pourtant l’œuvre du ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux. Elle occulte une bonne partie la réalité : si la crainte de voir leur permis invalidé a effectivement influencé le comportement des chauffards (les grands excès de vitesse ont pratiquement disparu), c’est davantage le sentiment vexatoire d’être pris en faute et de devoir payer une amende qui a modéré le comportement de la très grande majorité des automobilistes plutôt que le fait de perdre des points. Parler de « pédagogie efficace » alors que le permis à points dans sa version actuelle n’est ni compris ni accepté par l’ensemble de la population est donc un peu fort de café…
« Ce texte fait part d’un état d’esprit très belliqueux qui tente de désigner les méchants pour éradiquer le mal. On en voit la trace dans ce qui est une mesure démagogique (…) qui vise à aménager le permis à points, au motif qu’il faut distinguer entre les bons et les très mauvais conducteurs. Rien ne justifie cette distinction, car si les mauvais conducteurs sont responsables d’accidents, le contrôle, aussi tatillon et désagréable qu’il puisse paraître quand il est exercé sur ceux qui ne conduisent « pas trop mal », aboutit à une réduction de la vitesse et à une amélioration de la sécurité pour tous, qu’il est difficile d’expliquer au plan individuel, mais qui se comprend mieux au plan collectif ». L’association Prévention routière ? Non, le député SRC Dominique Raimbourg (les approximations sur toutes ces questions semblent donc franchir les lignes des partis) ! Si ce dernier semble avoir du mal à expliquer de manière convaincante le rapport entre le permis à points et l’amélioration de la sécurité, ne serait-ce pas parce qu’il « oublie » de dire que la réduction du nombre de victimes de la route depuis les années 70 n’aurait pas été possible sans l’amélioration des véhicules et surtout, sans les importants travaux d’amélioration des infrastructures ?
« Vous nous proposez une réforme à la baisse du permis à points, ce que je ne peux pas accepter. (…) Je voudrais simplement vous signaler également l’existence, à travers tout le pays, de comités de victimes de la route, qui se radicalisent et réclament justice pour toutes les victimes de la route. Ces comités déplorent que les personnes responsables d’accidents de la route ayant fait une ou plusieurs victimes ne soient pas plus sévèrement jugées. Je vous laisse le soin de leur répondre ». Ici, la justification du système répressif atteint des sommets de mauvaise foi ! Il est en effet bien connu que les automobilistes français ne sont que des chauffards qui n’attendent qu’une chose, l’assouplissement du permis à points afin de pouvoir renverser impunément femmes et enfants sur les routes ! M. Armand Jung (car c’est de lui dont il s’agit) s’apparente à tous ceux qui déjà, lors de l’assouplissement voté en 2006 pour les infractions à un point, nous prédisaient les pires scénarios catastrophes si le texte était voté. Ont-ils eu lieu ? Nous laisserons les lecteurs en juger.
Heureusement, la majorité des députés ne s’y est pas laissée tromper et la Commission des lois a décidé de maintenir les assouplissements sur le permis à points, infligeant ainsi un sérieux revers au gouvernement.
La discussion du texte reprend cet après-midi à l’Assemblée. Affaire à suivre…
Edit : 16h30 : L’Assemblée nationale vient de voter la réduction du délai de récupération des 12 points à 2 ans (sauf lorsque l’une des infractions ayant entraîné un retrait de points est un délit ou une contravention de 4ème ou 5ème classe) et le passage de un an à six mois pour la récupération d’un seul point.
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