La Maison de verre est le chef d’oeuvre de Pierre Chareau. Réalisée en collaboration avec l’architecte Bernard Bijvoet, la Maison de verre a été construite à Paris dans le 7ème arrondissement pour le docteur Dalsace entre 1928 et 1931. Composée de trois étages, la maison de verre présente la particularité – unique à l’époque – d’être conçue comme un espace semi-ouvert sur une cour via une façade de verre, véritable interface filtrante en pavés de verre entre l’intérieur et l’extérieur. Soutenue par un treillis métallique, la façade de verre représente une audace inouï pour la France de l’époque, en plein Art Deco. Retour sur ce joyau de l’architecture parisienne des Années Folles.
La Maison de verre constitue en fait un réaménagement. Il s’agit d’une rénovation d’un corps de bâtiment existant. Les photos avant et après le réaménagement permettent de se rendre compte de la profonde transformation du bâtiment. A noté que le dernier étage ne fit pas partie du réaménagement. La raison n’est nullement esthétique, mais juridique. La dame qui habitait au dernier étage avait tout simplement refusé de vendre, et la loi ne pouvait pas lui imposer cette transformation.
Dans ce contexte, la décision fut prise d’avancer la façade sur la cour : la façade originelle fut détruite pour ne conserver que des poutres métalliques, comme le montre la façade vue de l’intérieur. Repeintes en rouge, ces colonnes apportent un rythme et une unité dans ce qui devient de véritables scènes d’intérieur. Comme on peut le voir, ce choix se révèle doublement judicieux, d’une part par l’agrandissement de l’espace intérieur, qui en devient grandiose, d’autre part par l’apport de lumière, qui irradie la maison de façon homogène, contrairement à des fenêtres classiques. Une véritable révolution de l’idée de façade.
Cette « inondation » de lumière était encore une fois une première à l’époque. La personnalité du maître des lieux y était sans doute pour quelque chose. Gynécologue reconnu, le Docteur Dalsace était également connu pour être fou de propreté. La Maison de verre devait répondre à ses attentes, dans la mesure où le rez-de-chaussée était entièrement dévolu à son travail : salle d’attente, salle d’examen, salle de laboratoire, bureau personnel. A l’intérieur, tout respirait la clarté, la propreté, la netteté ; les choses étaient fixées mais démontables pour être lavables. Les marches d’escaliers pourrait ainsi être escamotées et nettoyées, tandis que les tapis étaient épinglés au sol pour en faciliter le nettoyage. La lumière naturelle était partout, jusque dans les chambres et les salles de bains.
Dans les espaces privés, les espaces sont séparés par des cloisons qui coulissent ou pivotent ; les chambres sont ainsi isolées par des portes-placards en bois ou en métal. Les poutres, les poutrelles, les canalisations et les conduits formant la squelette de la maison restent toujours visibles, participant à l’esthétique industrielle de l’architecture et de la décoration. On relève ici ou là des effets géométriques japonisants, comme certaines répétitions formelles sur une trame rythmique. A noter l’apparition du verre transparent dans les espaces privés situés dans l’aile du bâtiment. L’alternance entre le verre transparent et les briques de verre translucides créé du rythme sur la façade elle-même.
Il est important de souligner que Pierre Chareau n’a jamais justifié ses choix architecturaux en invoquant l’utilisation d’un matériau novateur – le verre – mais simplement en transcendant une idée : la lumière. On peut bien parler ici de transcendance, tant le contraste fut saisissant avec le bâtiment originel, dont l’intérieur manquait cruellement de lumière. Pour autant, c’est avec une grande rigueur que le choix du matériau proprement dit fut pris. Une rigueur quasi-scientifique même, car les pavés de verre furent très soigneusement choisi en fonction de leur qualités de diffusion de la lumière. La plus grande attention fut portée sur la structure galbée des briques de verre. Les briques présentent en effet une intensité lumineuse variable s’échelonnant d’une forte luminescence au centre (80 Cd/m2) à une luminescence plus faible en périphérie (65 Cd/m2). Le seul point faible du système réside finalement dans sa faible isolation thermique, les déperditions de chaleur étant importantes et nécessitant de fortes dépenses d’énergie en hiver.
Première maison construite avec une façade en verre, la Maison de verre de Pierre Chareau a influencé plusieurs génération d’architectes, comme en témoignent des projets ultérieurs comme la Glass House de Philip Johnson, construite en 1949 à New Canaan (Connecticut), la Farnsworth House de Ludwig Mies van der Rohe construite en 1951 à Plano dans l’Illinois, l’Institut Pietro Maria Bardi (la Casa de Vidro), construit par Lina Bo Bardi en 1951 à São Paulo, ou encore les maisons de verre réalisées par Pierre Koenig en Californie.
La maison de verre en bref :
Lieu : 31, rue Saint-Guillaume, Paris VIIe arrondissement
Date : 1928 – 1931
Type de construction : béton et verre
Affectation : maison d’habitation