Un titre sur le site web Obiwi attire hier soir mon attention : « Les huîtres Marennes-Oléron absentes de nos menus de fin d’année ». Damned ! La crise est à ce point ? Mais alors comment ce fait-il que les marchands d’huîtres ambulants soient toujours présents à Bordeaux les week-end, et pas seulement ceux du Bassin d’Arcachon ?
La crise de l’huître atteint actuellement un niveau élevé : la mortalité des naissains ayant été particulièrement forte en 2007-2008 (j’en avais parlé ici-même au printemps : clic-clic !), les huîtres aujourd’hui en âge d’être vendues en taille 3 (la plus demandée) se font rares. Dans le bassin de Marennes-Oléron, cette crise a été aggravée par la tempête Xynthia de l’hiver dernier, qui a détruit des cabanes d’ostréiculteurs et surtout envoyé au large des centaines de tables en mer où grandissaient les mollusques. Cette raréfaction du produit, alors que la demande ne tarit pas, a deux conséquences : d’abord son prix augmente, ensuite la bestiole attire des convoitises. Les vols massifs dans les parcs se multiplient, à tel point que sur Oléron, des indications en rouge sur panneaux jaunes vifs bloquent l’accès à certains chemins qui traversent les zones ostréicoles, ou simplement déconseillent d’y circuler la nuit. La surveillance est à la hauteur du manque à gagner pour les ostréiculteurs qui se font tout piller en une nuit. Elle est notamment assurée par des « gardes-jurés », c’est-à-dire des ostréiculteurs qui connaissent le terrain par cœur, collaborent étroitement avec la gendarmerie, et qui sont assermentés. Des vedettes de la gendarmerie peuvent aussi sillonner le plan d’eau et contrôler les cargaisons des embarcations proches des parcs ou qui en reviennent. Les quantités volées à chaque fois sont impressionnantes (l’unité de compte peut être la centaine de kilos), et on retrouve parfois des huîtres de provenance peu évidente, vendues par des gens pas clairement identifiés, sur des marchés éloignés des zones de production : les forces de l’ordre suivent actuellement une piste du côté d’Albi, dans le Tarn.
Donc pas d’huîtres à Noël ? on n’en est pas là, mais effectivement, dans un certain nombre de villes, il va falloir débourser plus cher. Mon ostréicultrice habituelle (que nous surnommons affectueusement Mémé), un personnage haut en couleurs (béret rouge, polaire jaune, et tchatche d’enfer) venant tous les dimanches depuis le Bassin d’Arcachon, mon ostréicultrice, disais-je, garantit une quantité habituelle au prix habituel (4€ la douzaine de n°3). Mais ailleurs ? Sur le bassin de Thau, violemment touché par la bactérie tueuse de naissains, on envisage de passer à 5 ou 6€ la douzaine, toujours pour la même taille. Idem sur Marennes-Oléron, où les Spéciales peuvent monter à 7€.
La période des fêtes de fin d’année est donc tendue chez les producteurs, ceux de Marennes-Oléron effectuant 60% de leurs ventes annuelles pendant cette dernière semaine de décembre. Certains réservent désormais leur production aux restaurants. Si les bactéries qui tuent les naissains continuent de proliférer, il se peut qu’un jour, ce cri poussé dans une pub de 1989, soit un réel cri de désespoir :
—> Sources :
- Les huîtres « Marennes-Oléron » absentes de nos menus de fin d’année, Obiwi, 14 décembre 2010
- Pierre SAUVEY, Huîtres : rares, chères et sous surveillance, La Dépêche, 14 décembre 2010
- Agnès MARRONCLE, Les huîtres de Noël plus rares et plus chères, La Charente Libre, 14 décembre 2010