L'euro est-il un jeu européen ?

Publié le 15 décembre 2010 par Raphael57

 

A court d'arguments autres que d'autorité pour justifier sa politique monétaire, la Banque centrale européenne (BCE) vient de lancer un petit jeu vidéo dont voici le descriptif officiel : "€CONOMIA est un jeu qui explique, de manière simplifiée, le fonctionnement de la politique monétaire. Il ne reflète pas nécessairement la position de la Banque centrale européenne ou de toute autre banque centrale de la zone euro". Il vous suffit de cliquer sur la capture d'écran ci-dessous pour devenir le gouverneur de l'euromonde et prendre les décisions sans en rendre compte à personne !

Vous aurez tôt fait de remarquer que le seul paramètre dont vous disposiez réellement est le taux directeur pratiqué par l'institution de Francfort. En effet, n'oublions pas que l'objectif principal de l'Eurosystème est, selon les traités, "de maintenir la stabilité des prix".  Tout au plus est-il concédé que "sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans la Communauté, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté, tels que définis à l’article 2". (article 105, paragraphe 1, du traité). Article 2 du traité sur l’Union européenne qui dispose que "la Communauté se donne pour objectifs d’obtenir un niveau d’emploi élevé et une croissance durable et non inflationniste".

Bref, la lutte contre l'inflation d'abord et ensuite, éventuellement, la croissance et l'emploi... exactement ce dont nous avons besoin dans la zone euro actuellement puisque les tensions inflationnistes sont quasi-inexistantes et que le chômage atteint une moyenne de 10 % au sein de la zone euro. De l'autre côté de l'Atlantique, la Banque centrale des États-Unis (appelée FED) décide de la politique monétaire avec un double objectif de stabilité des prix et de plein emploi, obligation lui étant faite de faciliter la croissance économique...

Si à l'issue de ce billet vous aviez encore des doutes sur le bien fondé de l'objectif poursuivi par la BCE (la lutte contre l'inflation), le site de l'institution vous propose un second jeu appelé Inflation Island. Celui-ci est clairement à réserver aux adultes avertis puisqu'on va vous présenter "des vidéos et des photos montrant comment l'inflation et la déflation ont affecté certains pays à travers les années". Vous pourrez ensuite "explorez les différentes parties de Inflation Island, observez les réactions des personnages face à l'inflation et à la déflation et les changements du décor". Et après ce jeu, vous devriez être reconnaissant à tout jamais au SEBC de lutter en priorité (et en votre nom, même s'il ne reçoit aucun mandat démocratique !) contre l'inflation, le chômage n'étant plus au fond qu'un problème secondaire de moindre gravité. Cette vision oublie simplement une chose : les questions économiques ne peuvent pas être dissociées des questions sociales et politiques. Par conséquent, baser la politique monétaire de toute une zone que sur un unique objectif, c'est négliger le but premier d'une union de pays qui est la prospérité. Or cette dernière est à l'évidence multidimensionnelle !

Et si vraiment aucun adulte n'arrive à gagner à ces jeux, la BCE a en réserve un jeu primé pour les enfants de 9 à 16 ans : "Rallye euro". Le cinquième jeu-concours Rallye euro s'est déroulé du 15 juillet au 14 octobre 2010. Devinez quelle est la nationalité des 3 gagnants ? Allemands, français ?  Non, le premier est tchèque et les deux suivants néerlandais. Imaginez la tête de nos dirigeants politiques si le vainqueur avait été irlandais, grec ou portugais ! C'est peut-être pour cela que le jeu est "momentanément interrompu en raison de la maintenance du site internet", car les adultes savent y faire eux avec la monnaie unique, la vraie !

Pour la petite histoire, j'ai terminé le jeu €CONOMIA avec le titre de meilleur banquier central. Il faut dire que je me suis contenté de monter les taux lorsque l'inflation apparaissait, puis de les baisser lorsque l'inflation baissait. Si avec ça on reçoit une telle distinction, alors je comprends mieux pourquoi tant de candidats se pressent devant le perron de la BCE... à moins que ce ne soit pour la rémunération proposée, chose absolument inconcevable puisque tout le monde sait qu'on ne travaille pas à la BCE mais qu'on sert les intérêts de tous les européens, qu'on ne travaille pas au FMI mais qu'on sert les intérêts de l'humanité, qu'on ne travaille pas à l'Élysée mais qu'on sert les intérêts de tous les Français,...

N.B : la finalité subliminale de ce billet était de rappeler que l'économie doit être au service de l'Homme et pas l'inverse. D'où l'image du monopoly pour illustrer que les politiques économiques menées actuellement au sein de la zone euro et plus largement de l'Union européenne, ne sont en fait basée que sur l'instauration d'une concurrence effrénée qui va nous conduire, au-delà des diificultés économiques, à des catastrophes sociales et politiques comme je l'ai écrit pour la Grèce ou l'Irlande !