Première peine : la nullité de la clause
En l’espèce, un salarié occupant les fonctions de chef d’exploitation est tenu d’une obligation de non-concurrence au cours de son contrat et un an après la rupture, moyennant le versement d’une prime mensuelle. Contestant la validité de cette clause à l’occasion de son licenciement, le salarié obtient gain de cause devant les juges du fond qui retiennent la nullité de la clause de non concurrence au motif que « celle-ci est nulle dès lors qu’elle prévoyait le versement d’une indemnité avant la rupture du contrat de travail. »
Soumise à la Chambre sociale de la Cour de cassation, cette décision trouve l’assentiment des juges du quai de l’horloge qui réitèrent ainsi une position jusque là isolée. Ce faisant, la Cour affine sa construction jurisprudentielle en matière de clause de non concurrence. On peut la résumer ainsi : la clause de non concurrence doit être justifiée par la nécessaire protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, prendre en considération les fonctions occupées par le salarié et comporter une contrepartie financière dont le versement (sous forme de rente ? de capital ?) intervient uniquement après la rupture du contrat de travail.
La décision n’est pas totalement choquante sur le fond et les entreprises pourraient même y trouver un intérêt. En effet, au cours de l’exécution du contrat de travail, le salarié est naturellement tenu d’une obligation de loyauté à l’égard de l’employeur. Cette obligation est inhérente au contrat sans qu’il soit besoin de la rémunérer spécifiquement.
A l’issue du contrat, la mise en œuvre d’une clause de non concurrence peut se révéler nécessaire, le versement de la contrepartie financière n’intervenant qu’à ce moment, compte tenu des obligations imposées au salarié et de leur respect par lui. L’entreprise ne sera donc obligée qu’au seul paiement de la contrepartie des obligations réelles qu’elle entend mettre à la charge du salarié. A l’inverse, elle sera libérée de tout versement si elle renonce – avec l’accord du salarié – à la clause de non concurrence.
En revanche, rien n’interdit donc de poursuivre la nullité des clauses de non-concurrence dont le versement de la contrepartie financière intervient au cours du contrat de travail. On l’aura compris, c’est là le moyen pour nombre de salariés de se défaire, qui plus est à moindre frais, de leur obligation post contractuelle de non concurrence.
Seconde peine : l’indemnisation d’une obligation fantôme
A moindre frais car les effets reconnus à la nullité de la clause de non concurrence pour versement de la contrepartie financière avant la rupture du contrat de travail a des effets strictement limités à l’égard du salarié.
La Chambre sociale de la Cour de cassation reconnait, ainsi, que le respect par le salarié, après la rupture du contrat de travail, de l’obligation de non concurrence imposée par la clause nulle mérite dédommagement. La solution est logique et classique : ayant renoncé, sans y être finalement tenu, à sa liberté d’activité, le salarié a droit à réparation.
L’arrêt est, à l’opposé, plus discutable lorsqu’il retient étrangement que l’employeur ne peut prétendre au remboursement des sommes versées au cours du contrat de travail en vertu de la clause annulée. L’effet rétroactif de la nullité devrait, au contraire, conduire naturellement à la remise en l’état des parties sauf à admettre que l’exécution successive du contrat de travail ne puisse l’autoriser. Or, même dans cette dernière hypothèse, la solution retenue est critiquable : si l’employeur peut être tenu d’indemniser le salarié qui a respecté son obligation de non concurrence au cours de son activité, le prix de cet engagement, inhérent au contrat de travail, ne peut être identique à l’indemnité de non concurrence contractuellement prévue, sans heurter les principes de droit commun relatifs à la cause des obligations contractuelles.
Aussi, par sa décision du 17 novembre 2010, la Chambre sociale de la Cour de cassation frappe-t-elle les entreprises d’une double peine : privation de leur protection contractuelle contre l’éventuelle concurrence déloyale de l’un de leurs salariés et indemnisation d’une obligation inexistante!
Une seule question reste donc en suspens : à quand un cessez-le-feu ?