PARIS : Le Sacre du Printemps, de Pina Bausch, au Palais Garnier

Par Plooom

Qu'on se rassure tout de suite : si j'ai envie de vous parler du Sacre du Printemps, il ne s'agit pas ici de faire une critique du spectacle à l'affiche du Palais Garnier depuis le 10 décembre dernier : primo, je n'en ai pas les capacités techniques (hé oui, je me fais doubler par un cascadeur pour toutes mes scènes de grand écart !) et que je n'en ai tout simplement pas envie. Ce qu'il faut que je vous fasse comprendre, c'est que vous devez ABSOLUMENT y assister ! ! !
D'abord un peu d'histoire (bah ouais ! c'est la minute KÜLTÜR !) : le Sacre du Printemps, créé en 1913 au Théâtre des Champs-Elysées, est un ballet chorégraphié par Vaslav Nijinski, sur une musique d'Igor Stravinsky. Il ne présente pas de réelle histoire, pas d'intrigue, comme le souhaitait le compositeur : "c'est une série de cérémonies de l'ancienne Russie", "le spectacle d'un grand rite sacral païen : les vieux sages, assis en cercle, et observant la danse à mort d'une jeune fille, qu'ils sacrifient pour leur rendre propice le dieu du printemps". En effet, voici la note de programme distribuée le soir de la création :
        Premier tableau : L'Adoration de la terre
Printemps. La terre est couverte de fleurs. La terre est couverte d'herbe. Une grande joie règne sur la terre. Les hommes se livrent à la danse et interrogent l'avenir selon les rites. L'Aïeul de tous les sages prend part lui-même à la glorification du Printemps. On l'amène pour l'unir à la terre abondante et superbe. Chacun piétine la terre avec extase.
         Deuxième tableau : Le Sacrifice
Après le jour, après minuit. Sur les collines sont les pierres consacrées. Les adolescentes mènent les jeux mythiques et cherchent la grande voie. On glorifie, on acclame Celle qui fut désignée pour être livrée aux Dieux. On appelle les Aïeux, témoins vénérés. Et les sages aïeux des hommes contemplent le sacrifice. C'est ainsi qu'on sacrifie à Iarilo, le magnifique, le flamboyant.
La partition et la chorégraphie, volontairement et radicalement novatrices, firent scandale, l'un des plus fameux et des plus retentissants de toute l'histoire de la musique.

Il n'est pas ici question de la version "historique" de Nijinski, mais bien de la vision de la chorégraphe allemande récemment disparue, Pina Bausch. Tout se passe sur un tapis de terre sombre, terrain de tourbe où chaque mouvement, aussi minime soit-il, chaque déplacement, chaque regard prend des proportions inouïes. La puissance des corps, ancrés dans le sol, souillés au fur et à mesure, à peine habillés, à peine voilés, transfigure la violence et la barbarie du propos. La chorégraphe y aborde le thème de l'opposition homme-femme, thème qui lui est cher. Il se cristallise dans une succession de combats et de confrontations allant jusqu'au sacrifice final de l’Élue. La sauvagerie et la force redoutable de la partition sont matérialisées dans une chorégraphie brutale, barbare, primaire, voire primitive qui prolonge et utilise intelligemment l'obsédante composante rythmique de la partition : "Je ne peux pas parler du Sacre du Printemps, c'est si violent" avait-elle dit à sa création en 1975...

Bref, courez-y, vous assisterez à un chef-d'oeuvre !
Soirée Balanchine/Brown/Bausch
Opéra national de Paris / Palais Garnier
Jusqu'au 31 décembre 2010
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