Le cadre. Gare du Nord à Paris, 7h du matin. Atmosphère froide.
Les faits. Souhaitant me réchauffer avant d’attraper le train, je décide d’acheter un café bas de gamme dans l’une de ces petites gargotes ambulantes qui parsèment les gares. Je lâche donc la somme excessive de 1€80 et, cherchant un endroit pour me poser, repère trois petites tables rondes inoccupées, à proximité d’un autre bar. Agréablement surpris par ma découverte, je m’en approche.
La scène qui va suivre se déroule en une fraction de seconde.
Sur la table du fond, mon œil visu
Saisi d’humiliation, je quitte instantanément les lieux.
L’interprétation. Une lecture naïve et superficielle de cet épisode ne donnerait pas au lecteur la signification essentielle de ce qui vient de se passer. Il s’agit tout simplement d’une prise de pouvoir par les pigeons d’une portion de l’espace public. Ainsi, les voyageurs de la gare ont abandonné leur droit républicain à poser leur gobelet sur une table : ils ont tout simplement effectué une retraite en bonne et due forme, la tête basse et la queue entre les jambes.
Demain, le piéton changera de trottoir pour ne pas croiser le regard de tel pigeon. Après-demain, il lui laissera la souveraineté sur des quartiers entiers de la ville, n’osant plus fréquenter ces lieux devenus hostiles. Et puis, un jour, nous finirons avec une laisse autour du cou, suivant servilement le pigeon dominant. Parce que nous n’aurons pas réagi à temps.