Demain, le règne du pigeon ?

Publié le 15 décembre 2010 par Pierre

Le cadre. Gare du Nord à Paris, 7h du matin. Atmosphère froide.

Les faits. Souhaitant me réchauffer avant d’attraper le train, je décide d’acheter un café bas de gamme dans l’une de ces petites gargotes ambulantes qui parsèment les gares. Je lâche donc la somme excessive de 1€80 et, cherchant un endroit pour me poser, repère trois petites tables rondes inoccupées, à proximité d’un autre bar. Agréablement surpris par ma découverte, je m’en approche.

La scène qui va suivre se déroule en une fraction de seconde.

Sur la table du fond, mon œil visualise soudain un pigeon gras comme une oie qui, le plus tranquillement du monde, se pavane au milieu des miettes de croissants et des gobelets vides. Dans le même instant, je remarque entre les trois tables un attroupement de pigeons, occupés à picorer quelque graine sur le sol répugnant. Ne saisissant pas immédiatement les implications de cette mise en scène, je m’approche de la première table pour y poser mon café. Erreur : un autre pigeon, posté en embuscade, effectue un vol rasant par l’arrière : il me frôle les cheveux (y déposant probablement quelques milliards de germes) et rejoint le reste de la troupe.

Saisi d’humiliation, je quitte instantanément les lieux.

L’interprétation. Une lecture naïve et superficielle de cet épisode ne donnerait pas au lecteur la signification essentielle de ce qui vient de se passer. Il s’agit tout simplement d’une prise de pouvoir par les pigeons d’une portion de l’espace public. Ainsi, les voyageurs de la gare ont abandonné leur droit républicain à poser leur gobelet sur une table : ils ont tout simplement effectué une retraite en bonne et due forme, la tête basse et la queue entre les jambes.

C’est comme ça que les choses commencent.

Demain, le piéton changera de trottoir pour ne pas croiser le regard de tel pigeon. Après-demain, il lui laissera la souveraineté sur des quartiers entiers de la ville, n’osant plus fréquenter ces lieux devenus hostiles. Et puis, un jour, nous finirons avec une laisse autour du cou, suivant servilement le pigeon dominant. Parce que nous n’aurons pas réagi à temps.