On se réjouissait de voir ce que ferait Jérôme Deschamps de cette oeuvre qui compte parmi les deux ou trois meilleures de Georges Feydeau (aux côtés de La Puce A L'Oreille, du Dindon ou de La Dame De Chez Maxim), on est sorti déçu de la salle Richelieu, notamment à cause d'une distribution en partie ratée.
L'intrigue, brièvement. Le jour de son mariage avec une jeune fille de la Haute, Bois d'Enghien doit rompre avec sa maîtresse Lucette, chanteuse de café concert. Mais tout cela ne va pas tout à fait se dérouler comme prévu.
Je m'arrêterai là tant les oeuvres du vaudevilliste sont impossibles à résumer. Sachez seulement qu'on retrouve au fil de l'histoire une succulente galerie de personnages dont un improbable général d'opérette à l'accent hispanisant à couper au couteau, un clerc de notaire (Bouzin) rustre et miteux, et un monsieur qui ne sent pas bien bon (mais qui ne s'en rend pas compte...).
L'ensemble devrait être à hurler de rire, et si la salle semble conquise à la fin de la représentation, car le texte est franchement drôle et le travail présenté s'avère malgré tout de bonne tenue, nombre de regrets viennent ternir la soirée.
Commençons par l'erreur majeure de distribution, à savoir Hervé Pierre (Photo ci-dessus) dans le rôle du futur marié, certes très bon comédien mais possédant un âge et un physique plus proche du retraité bedonnant que du jeune homme, et même de l'homme jeune, tombeur de chanteuses de caf'conc'. il donne au personnage un côté pataud et bourru alors que Bois d'Enghien doit être vif et nerveux, car c'est bien lui qui est censé rythmer le spectacle. Or il aurait plutôt tendance à le plomber... On se souvient de Jean Piat il y a quarante ans, ou même de Christian Clavier plus récemment qui mouillèrent la chemise comme il le faut dans ce même rôle.
Autre problème, Thierry Hancisse qui incarne un général Irrigua aux contours flous, sans panache ni aucune virtuosité. Il marmonne dans sa barbe, n'articule pas, ne porte pas la voix. L'accent qu'il donne au personnage nous le rend quasiment incompréhensible. C'est d'autant plus regrettable que l'auteur l'a retranscrit avec précision phonétiquement afin que tout soit intelligible et que le spectateur ne perde rien de la drôlerie des dialogues.
Notons également une Florence Viala, charmante au demeurant, qui peine à trouver la légèreté de sa Lucette, ou encore Céline Samie dont la Nini Galant est inexistante...
Ajoutez une mise en scène bien sage pour un Jérôme Deschamps, un rythme de croisière qui n'est pas encore atteint (je le dis souvent ici, Feydeau se joue à 200 à l'heure et avec 40 de fièvre), des comédiens qui parlent en permanence sur les rires et vous aurez une petite idée de l'ampleur de ma déception.
Qui tire alors véritablement son épingle du jeu dans ce spectacle ?
Le brillant Guillaume Gallienne, bien-sûr, dans les rôles secondaires de Chenneviette et Miss Betting, dont la subtilité, l'intelligence et la précision dans le travail nous font l'aimer toujours plus. Serge Bagdassarian aussi, en plantureux mais aérien Fontanet malodorant...
Et le fabuleux Christian Hecq (photo ci-dessus), entré au Français il y a peu, qui à lui seul conquiert une salle pleurant de rire et sauve l'ensemble du spectacle en incarnant le personnage rendu culte par Robert Hirsch, à savoir Bouzin. Véritable caoutchouc cartoonesque, il dégringole les escaliers comme personne, grimace à tout va, s'invente des tics extraordianaires, part dans un absurde et une folie toujours justes que l'on ne retrouve malheureusement pas assez chez ses collègues.
En conclusion, le travail est honnête mais la mission de Jérôme Deschamps n'est selon moi pas accomplie.
Pour Christian Hecq, il faudra cependant vous rendre salle Richelieu.
Photos : Brigitte Enguérand
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